Nouvelle rubrique

N°4 du septembre ou octobre 2025 - Angle droit 33

Edito

par Olivier Fuchs


Après une dizaine d’années de procédure et une condamnation historique de l’État à quarante millions d’euros d’astreinte, le Conseil d’État a mis fin en avril dernier au contentieux, initié par l’association Les Amis de la Terre, tendant à ce que l’État prenne toutes les mesures utiles pour se conformer aux exigences de la directive du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.

Cette décision prend acte des efforts réels qui ont été accomplis, les dernières années, pour assainir la qualité de l’air et qui ont conduit à une nette diminution des concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote, en particulier dans les zones urbaines les plus touchées.


Le Conseil d’État a en outre accepté de prendre en compte, pour regarder le litige comme étant pleinement exécuté, différentes mesures présentant « un caractère suffisamment précis et crédible » pour envisager le respect des concentrations en dioxyde d’azote dans les zones de Lyon et Paris à brève échéance, parmi lesquelles les mesures prévues par les plans de protection de l’atmosphère récemment adoptés ainsi que le déploiement des zones à faibles émissions. Il s’est ainsi notamment fondé sur les projections et modélisations établies avec l’aide des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.

Certaines mesures récentes, si elles prospèrent, auront toutefois un impact négatif direct sur les contentieux de la qualité de l’air. C’est notamment le cas de la remise en cause des zones à faibles émissions, dont la suppression a été votée sans qu’aucune autre piste sérieuse de lutte contre la pollution de l’air ait été proposée en substitution. Il faudra voir si la poursuite du débat parlementaire conduit à concrétiser cette suppression et si, alors, elle survit à l’examen par le Conseil constitutionnel.

Que le contentieux Amis de la Terre soit clos ne signifie donc pas, bien entendu, que la bataille pour la qualité de l’air est terminée, surtout que l’on sait qu’à l’horizon 2030, des valeurs limites plus strictes devront être respectées conformément à ce que prévoit la directive sur la qualité de l’air telle que refondue le 23 octobre 2024.

Lisez le « zoom » sur ce sujet pour en savoir plus et Angle droit pour tout le reste !

***

Zoom sur …

L’affaire « Les Amis de la Terre »


Par une décision du 25 avril 2025 (CE, 25 avril 2025, no 428409, au Recueil), le Conseil d’État met fin à un contentieux, démarré il y a plus de huit ans, lié à la qualité de l’air dans douze agglomérations de métropole et d’outre-mer. Retour sur les différents épisodes de cette affaire emblématique.

Le commencement

Par une première décision du 12 juillet 2017 (n° 394254, au Recueil), le Conseil d’État juge illégale la décision par laquelle le Gouvernement a rejeté la demande de plusieurs associations sollicitant l’adoption des mesures nécessaires pour ramener, dans douze zones, les concentrations annuelles moyennes de dioxyde d’azote et de particules fines en deçà des valeurs limites fixées par la législation. En effet, la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 dite directive qualité de l’air a déterminé, par son article 13 et son annexe XI, des valeurs limites qui ont été transposées aux articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l’environnement.

L’annulation de cette décision était assortie de l’injonction, faite au Gouvernement, de prendre les mesures nécessaires pour que, conformément aux dispositions de l’article 23 de la directive qualité de l’air, soient élaborés et mis en œuvre les plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener dans le « délai le plus court possible » les concentrations en polluants susmentionnés sous les valeurs limités fixées à l’article R. 221-1 du code.

Un contentieux de l’exécution au long cours

S’est alors ouverte une phase d’exécution de la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2017.

Le Conseil d’État a d’abord constaté des dépassements des valeurs limites en dioxyde d’azote et/ou en particules fines dans encore huit zones et a estimé que les plans relatifs à la qualité de l’air annoncés, prenant la forme de « feuilles de routes » ou de plans de protections de l’atmosphère (PPA) ne comportaient pas d’indication des délais nécessaires pour atteindre les objectifs d’amélioration de la qualité de l’air qu’ils fixaient. Ainsi, par une décision du 10 juillet 2020 (n° 428409, au Recueil), il a prononcé une astreinte à l’encontre de l’Etat si celui-ci « ne justifiait pas » avoir entièrement exécuté la décision du 12 juillet 2017 dans un délai de six mois, le taux de l’astreinte étant fixé à 10 millions d’euros par semestre de retard.

Par la suite, et malgré la diminution constante du nombre de zones connaissant des dépassements des valeurs limites, le Conseil d’État, par deux décisions du 4 août 2021 et du 17 octobre 2022, a liquidé à deux reprises l’astreinte au taux plein de 10 millions par semestre, en fixant son montant à respectivement 10 millions d’euros pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021 puis à 20 millions pour la période du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022.

Dans sa décision du 17 octobre 2022, le Conseil d’État a décidé de ne pas moduler à la baisse le taux de l’astreinte, alors même que les mesures des concentrations moyennes permettaient d’établir que le niveau de concentrations en particules fines respectait désormais la valeur limite réglementaire dans toutes les zones, que les concentrations en dioxyde d’azote ne dépassaient plus la valeur limite que dans quatre zones (Aix-Marseille, Lyon, Paris et Toulouse) et que le Gouvernement avait mis en avant différentes mesures telles que le développement et le renforcement des zones à faibles émissions (ZFE) prévues à l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ou la révision, en cours ou achevée, des PPA respectifs de ces quatre zones. Toutefois, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat, ces efforts étaient encore insuffisants car ne recherchant pas une période de dépassement la plus courte possible pour le retour aux valeurs limites de dioxyde d’azote dans les zones de Paris, Lyon et Aix-Marseille.

C’est avec la décision du 24 novembre 2023 (commentée dans le numéro d’Angle droit du 23 janvier 2024) qu’un infléchissement a été initié, le Conseil d’État divisant par deux le taux de l’astreinte. La haute juridiction constatait alors des concentrations en dioxyde d’azote ne dépassant plus la valeur limite que dans les zones de Lyon et de Paris et, d’autre part, une « baisse globale tant du nombre des stations de mesure constatant des dépassements que de l’importance de ces dépassements pour les zones qui demeurent en dépassement ».

La fin du litige avec la décision du 25 avril 2025

Dans sa dernière décision du 25 avril 2025, et bien qu’ayant constaté l’absence de consolidation de la situation de non dépassement de la valeur limite de dioxyde d’azote dans la zone de Lyon et le dépassement persistant de cette même valeur limite au niveau de trois stations de mesures à Paris, le Conseil d’État juge que sa décision du 12 juillet 2017 est entièrement exécutée, et qu’il n’y a pas lieu de liquider l’astreinte prononcée à l’encontre de l’État.

Cette décision s’explique par la baisse significative du niveau des concentrations en dioxyde d’azote dans les zones de Paris et Lyon en 2024. Elle résulte également de l’adoption, pour les deux zones, de mesures ciblées, jugées suffisamment précises et crédibles, venant en complément des mesures nationales en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air adoptées pour les secteurs des transports et du bâtiment.

Pour ce qui concerne la zone de Paris, le Conseil d’État souligne en particulier l’adoption, le 29 janvier 2025, du quatrième PPA d’Ile-de-France et notamment ses « nombreuses mesures concernant spécifiquement le secteur des transports, telles que l’objectif de faire passer la part du vélo dans les déplacements franciliens de 2 à 9 %, l’intégration de 15 communes supplémentaires dans le périmètre de la zone à faibles émissions, le soutien à la mise en service d’un dispositif de contrôle automatisé et le prolongement des expérimentations de baisse des vitesses maximales autorisées sur certaines portions routières de l’agglomération ». Est également mise en avant la mesure de réduction de la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique de 70 à 50 km/h, appliquée à compter du 1er octobre 2024.

Pour ce qui concerne la zone de Lyon, et en complément des mesures déjà prévues par le PPA de l’agglomération lyonnaise adopté le 24 novembre 2022, le Conseil d’État relève notamment la mise en service, à compter du 20 mars 2024, d’une nouvelle voie réservée au covoiturage et aux transports en commun sur une portion de 8 kilomètres de l’autoroute A7, la réduction vitesse maximale autorisée de 20 km/h pendant les heures d’activation de cette voie, ainsi que la mise en œuvre, depuis le 1er janvier 2024, de nouvelles mesures de restriction de la circulation dans le cadre de la ZFE mobilité.

Cette décision résulte enfin des projections et modélisations établies par l’État en 2024, avec l’aide des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Selon ces modélisations pour la zone de Paris, et au vu de l’ensemble des mesures prévues par le PPA, les trois dernières stations encore en dépassement devraient passer sous la valeur limite de dioxyde d’azote dès 2026. Le respect de cette même valeur limite dans la zone de Lyon, déjà constaté en 2024, est également considérée comme envisageable par les juges.

Perspectives

L’injonction prononcée par le Conseil d’État le 12 juillet 2017 étant désormais entièrement exécutée, les éventuels dépassements des valeurs limites qui pourraient être constatés en 2025 ou au cours des prochaines années dans les zones de Paris ou Lyon, ou dans les autres zones visées par la requête initiale de l’association « Les Amis de la Terre » ne sauraient avoir pour effet de rouvrir l’instance.

Il est à noter que les valeurs limites plus strictes fixées par la nouvelle directive (UE) 2024/2881 du 23 octobre 2024 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe ne seront pas applicables en droit interne avant le 1er janvier 2030, les Etats membres étant par ailleurs habilités à solliciter un report de cette échéance, le cas échéant jusqu’en 2040. Ces nouvelles valeurs limites ne sauraient donc occasionner prochainement un nouveau contentieux tel que celui qui vient d’être clos. Elles invitent en revanche le Gouvernement à redoubler dès à présent d’efforts dans sa lutte en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air.

***

L'actualité normative et consultative

Loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte


Le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024 à Mayotte, a fait 39 morts, plus de 4000 blessés, et a détruit 90% de la production maraîchère et fruitière, ainsi que 22 000 habitats de fortune. Les trois-quarts des bâtiments de l’archipel ont été impactés. Le 18 décembre 2024, l’état de calamité naturelle exceptionnelle a été déclaré.

La loi d’urgence pour Mayotte, promulguée le 24 février 2025, met en place des mesures d’urgence de reconstruction et d’accompagnement des personnes afin de rétablir les conditions de vie des habitants.

Pour ce faire, la loi autorise le Gouvernement à transformer par ordonnance l’actuel établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte en un établissement public pour coordonner les travaux de reconstruction de l’archipel.

Dans un souci de rapidité, diverses dérogations temporaires aux règles d’urbanisme et de construction sont prévues. L’État ou un de ses établissements publics peut assurer la reconstruction d’écoles publiques à la place des communes, sur leur demande. L’édification de bâtiments temporaires à des fins d’accueil de services publics est dispensée de toute formalité au titre du code de l’urbanisme et peut déroger à certaines règles du plan local d’urbanisme applicable, sous réserve d’un accord préalable du maire.

La loi prévoit également des mesures destinées à lutter contre la reconstruction de logements indignes.

Afin de favoriser la participation des petites entreprises et artisans mahorais dans la reconstruction de l’archipel, la loi instaure des adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique, en particulier sur les règles de publicité et de concurrence préalable.

Enfin, des mesures spécifiques sont prévues pour faciliter les dons aux associations engagées dans le secours d’urgence aux victimes et pour prolonger les droits et prestations sociales accordés aux habitants de Mayotte.

*


Loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux
substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS)


Pour protéger la population des risques pour la santé publique liés aux PFAS, aussi appelés polluants éternels, la première loi française en la matière a été adoptée.

Celle-ci fixe, d’abord, une interdiction progressive de l’utilisation des PFAS dans plusieurs catégories de produits : les cosmétiques, vêtements, chaussures, produits imperméabilisants et farts de skis à partir de 2026, puis l’ensemble des textiles à partir de 2030. Des exceptions sont prévues, notamment pour les vêtements et chaussures de protection des militaires et des pompiers ou encore pour les textiles techniques à usage industriel.

La loi prévoit également l’établissement d’une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux des PFAS par les industries, de manière à tendre vers la fin de ces rejets d’ici à 2030. Cette trajectoire, ainsi que la liste des produits concernés, devra être précisée par décret.

Elle détermine également les obligations en termes de contrôle de la présence de PFAS dans l’eau potable. Un décret déterminera la liste des PFAS concernés, qui pourra être élargie notamment en fonction des circonstances locales. La loi permet ainsi d’aller au-delà des dispositions de la directive européenne du 16 décembre 2020 sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, qui impose aux Etats membres de contrôler la présence de 20 PFAS dans les eaux potables.

Plusieurs autres dispositions sont également adoptées, en particulier mise à disposition d’une carte des sites émetteurs, établissement d’un plan pour le financement de la dépollution des eaux potables, publication annuelle d’un bilan national de la qualité de l’eau au robinet, à partir de bilans régionaux réalisés par les agences régionales de santé.

Enfin, sur le modèle du dispositif existant pour d’autres types de polluants, une redevance est instaurée pour les ICPE soumises à autorisation dont les activités entraînent des rejets de PFAS dans l’eau. Fixée à 100 euros par 100 grammes de PFAS rejetés dans l’eau, cette redevance alimentera le budget des agences de l’eau.

*


Loi n° 2025-237 du 14 mars 2025 visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole


Issue d’une proposition de loi, ce texte vise à améliorer la cohérence de l’action publique de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes, responsable de 20% de la mortalité des abeilles domestiques et de presque 12 millions d’euros de pertes directes par an pour la filière apicole.

En premier lieu, la loi instaure des plans national et départementaux de lutte contre ce frelon. Le plan national, élaboré conjointement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement en concertation avec les acteurs concernés, devra déterminer des orientations nationales et des indicateurs de suivi, mais aussi classer les départements, en fonction de la pression de prédation et des dégâts causés aux ruchers et aux pollinisateurs sauvages, et décider des financements alloués par l’État et les collectivités à diverses actions d’information, de recherche et de lutte contre le frelon. Il déterminera enfin l’opportunité de classer le frelon asiatique à pattes jaunes parmi les dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l’abeille domestique.

Le plan national sera décliné en plans départementaux élaborés par les préfets, en concertation avec les acteurs locaux dont les représentants des communes et de leurs groupements. Ces plans organiseront, d’une part, l’évaluation du niveau de danger sanitaire et de l’étendue des dégâts causés, d’autre part, les procédures de signalement auprès des communes et de destruction des nids de frelon.

En second lieu, la loi intègre les pertes économiques subies par les exploitants apicoles du fait des frelons asiatiques au régime indemnitaire, adossé au fonds national de gestion des risques en agriculture, prévu par l’article L. 361-3 du code rural et de la pêche maritime.

***

L'actualité des réseaux

Commentaire par la DREAL Haut-de-France de deux jugements récents


TA Lille, 12 novembre 2024, SA Leroy Merlin, n° 2103123

Afin de limiter les dégradations des réseaux aériens ou souterrains à l’occasion de travaux, la réforme anti-endommagement (REA) issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, entrée en vigueur le 1er juillet 2012, a instauré un cadre législatif et réglementaire précis régissant les interventions à proximité des réseaux. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille le 12 novembre 2024 dans le cadre d’un recours indemnitaire exercé par la SA Leroy Merlin contre l’État en est une illustration.

Le 22 avril 2016, la SAS Legrand, intervenant en qualité de sous-traitante de la société Colas France pour des travaux de terrassement dans le cadre de la réalisation de quatre bretelles autoroutières de l’échangeur A2 / A23 bretelle Paris-Lille, sous maîtrise d’oeuvre de la DREAL Nord-Pas-de-Calais, a sectionné un câble souterrain haute tension, ce qui a engendré une coupure d’électricité pour un magasin Leroy Merlin. La SA Leroy Merlin demandait ainsi au tribunal de condamner l’État à l’indemniser des préjudices subis, sur le fondement de la responsabilité sans faute des tiers à un dommage de travaux publics.

L’existence d’un préjudice et du lien de causalité avec l’opération de travaux publics dont l’État avait la maîtrise d’œuvre n’étaient pas contestés. Après évaluation des différents postes de préjudice, le tribunal a condamné l’État à indemniser la SA Leroy Merlin France à hauteur d’un montant de 38 213 euros.

L’État a toutefois formé un appel en garantie à l’encontre de la société Enedis, exploitant du réseau endommagé, auquel le tribunal a fait droit après avoir évalué la responsabilité des différents intervenants en application des articles R. 554-1 et suivants du code de l’environnement. Le tribunal rappelle ainsi que cette réglementation fait « peser sur l’exploitant du réseau souterrain une obligation d’information précise sur ses réseaux à destination des entrepreneurs qui l’ont informé de leur intention de commencer des travaux publics. Il appartient toutefois aux entrepreneurs de solliciter avant de commencer leurs travaux, s’ils estiment la réponse à leur déclaration insuffisamment précise, des informations complémentaires pour identifier le réseau et, s’il y a lieu, un repérage effectué avec l’un des agents de l’exploitant du réseau. »

En l’espèce, le tribunal relève que la société Colas France a bien transmis une déclaration d’intention de commencement de travaux (DICT) à Enedis et que celle-ci lui a adressé un récépissé auquel les plans de localisation étaient annexés. En revanche, il estime qu’Enedis a manqué à ses obligations en ne participant pas à la réunion de piquetage à laquelle elle était conviée, et au cours de laquelle elle aurait pu préciser l’implantation exacte du câble souterrain, en soulignant à cet égard que le câble électrique endommagé s’est révélé être à une distance de plus de sept mètres de l’emplacement indiqué par Enedis.

Le tribunal en déduit que « l’État est fondé à soutenir que la société Enedis a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et que cette faute est à l’origine exclusive de la section du câble électrique par la SAS Legrand ». Par conséquent, Enedis a été condamnée à garantir l’État à hauteur des sommes versées à la SA Leroy Merlin.


TA Lille, 10 décembre 2024, commune de Bruay-la-Buissière, n° 2109667

Par un arrêté du 29 mars 2021, le préfet du Pas-de-Calais a approuvé le plan de prévention des risques inondation (PPRI) couvrant notamment le territoire de la commune de Bruay-la-Buissière. Par un courrier reçu le 6 octobre 2021, la commune de Bruay-la-Buissière a demandé au préfet d’abroger cet arrêté, puis contesté devant le tribunal le refus implicite qui lui a été opposé.

Par jugement en date du 10 décembre 2024, le tribunal a rejeté sa requête. Pour statuer sur le bien-fondé des prétentions de la commune, il a appliqué le cadre juridique de la légalité d’une demande d’abrogation, résultant de la décision du Conseil d’État « Association des Américains Accidentels » du 19 juillet 2019, n°424216 (au Recueil). Selon cette jurisprudence, lorsqu’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus d’abroger un acte réglementaire, le juge doit apprécier la légalité de cet acte au regard des normes juridiques applicables à la date à laquelle il statue et non à celle de l’édiction de l’acte ou du refus d’abrogation. Le juge doit ainsi tenir compte de l’évolution des circonstances de droit ou de fait survenues entre l’adoption de l’acte réglementaire et sa propre décision.

Appliquant cette grille de lecture, le tribunal écarte un par un les moyens développés par la commune à l’encontre du PPRI, qu’il s’agisse des erreurs de droit relatives à une rupture d’égalité ou à l’insuffisante précision des éléments cartographiques, ou des erreurs d’appréciation du risque d’inondation, confirmant ainsi, y compris à la date de sa décision, la légalité de ce document.

***

3 questions à … ,

Séverine Larere, Secrétaire Générale de RTE

Pouvez-vous présenter les principaux enjeux que rencontre RTE dans le cadre de la transition énergétique, notamment tels que traduits dans le schéma stratégique de développement du réseau ?

Le 13 février dernier, RTE a présenté les grandes orientations de sa stratégie de transformation de son réseau à l’horizon 2040. Le schéma de développement du réseau (SDDR) constitue une feuille de route industrielle qui vise à préparer une nouvelle ère où l’électricité deviendra la principale source d’énergie dans le mix énergétique français.

Aujourd’hui, le mix énergétique français dépend à 60% des énergies fossiles, notamment du pétrole et du gaz achetés hors de l’Europe. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et renforcer notre souveraineté, il est impératif d’électrifier notre mix. Dans ce contexte, les investissements dans le secteur électrique, en particulier dans le réseau, sont essentiels. Le montant estimé des investissements de RTE d’ici 2040 s’élève à près de 100 milliards d’euros, soit un montant moindre que les dépenses de la France en importations de pétrole et de gaz pour la seule année 2022.

À l’issue de deux ans de travaux techniques et de concertation, trois priorités stratégiques émergent dans le SDDR : 1) renouveler notre réseau qui vieillit et l’adapter face au changement climatique (fortes chaleurs et crues) ; 2) raccorder les installations de production et de consommation bas-carbone (nucléaire, renouvelables, nouvelles usines, centres de données, batteries) ; 3) renforcer la structure du réseau pour maintenir sa performance actuelle, tout en accueillant ces nouveaux flux électriques.

En tant que plan-programme, le SDDR est soumis à l’avis de l’État et des autorités compétentes (CRE, Autorité environnementale) et il fera l’objet, au cours de l’année 2025, d’un débat public sous l’égide de la Commission nationale du débat public.

Comment RTE participe-t-il à la décarbonation de l’industrie française ?

Afin de concilier sa stratégie de réindustrialisation avec ses objectifs de transition énergétique, la France doit impérativement décarboner son industrie. Cela passe notamment par l’électrification des processus industriels actuels, qui reposent en grande partie sur l’utilisation d’énergies fossiles et par l’implantation de nouveaux projets industriels recourant d’emblée à l’électricité. Cette évolution va entraîner une croissance significative de la consommation d’électricité et nécessitera des adaptations du réseau électrique.

Dans son plan stratégique de développement du réseau, RTE propose une stratégie volontariste pour le raccordement de l’industrie, qui repose sur une planification renforcée et une évolution du cadre de raccordement.

Cette planification vise à prioriser les investissements de RTE sur les zones du territoire les plus attractives pour les porteurs de projets industriels. Les zones prioritaires correspondent aux grands complexes industrialo-portuaires de Dunkerque, Le Havre et Fos-sur-Mer, qui sont d’importants consommateurs d’énergies fossiles et pour lesquels les besoins en électricité seront conséquents. Au regard de l’urgence et de l’importance de ces besoins, RTE engagera des travaux dans ces zones dès l’obtention des autorisations administratives nécessaires. Pour sept autres zones (Valenciennes, Saint-Avold, le sud de l’Ile-de-France, l’estuaire de la Loire, la Vallée de la Chimie, Plan-de-Campagne et le sud de l’Alsace), la mise en service des infrastructures sera possible d’ici 2030, sous réserve de l’avancée concrète de certains projets industriels.

En ce qui concerne le cadre de raccordement, des évolutions juridiques nous ont déjà permis de proposer des infrastructures de raccordement mutualisées entre plusieurs projets industriels, ce qui permet d’optimiser les coûts. Mais d’autres évolutions seront nécessaires. En particulier, le droit du raccordement devra évoluer pour permettre aux projets les plus matures d’être mis en service plus rapidement (et éviter un phénomène de files d’attente administratives du fait de la règle du « premier arrivé, premier servi » actuellement en vigueur) et garantir que le réseau à très haute tension soit renforcé selon une planification d’ensemble (et non en réaction aux besoins successifs des projets individuels).

Quelle est la stratégie d’adaptation du réseau aux risques environnementaux, notamment consécutifs au changement climatique ?

L’adaptation au changement climatique constitue l’un des trois piliers du schéma de développement du réseau à l’horizon 2040, et répond directement au troisième plan national d’adaptation au changement climatique.

Parallèlement au renouvellement de ses infrastructures vieillissantes (de nombreuses lignes et pylônes datent des années 1920 ou de la période de reconstruction postérieure à la Seconde Guerre mondiale), l’entreprise souhaite profiter de cette occasion pour adapter son réseau aux défis posés par le changement climatique.

Les infrastructures qui seront construites ou renouvelées entre 2025 et 2040 seront, pour certaines, toujours présentes en 2100. Elles devront donc être conçues pour résister à des phénomènes climatiques dans une France à +4°C. L’objectif de RTE est d’assurer la résilience de 80% de ses infrastructures face au changement climatique d’ici 2040, et de porter ce chiffre à 100% d’ici 2060.

Une analyse des infrastructures est actuellement menée pour identifier parmi les plus anciennes celles qui sont les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Le programme de renouvellement et d’adaptation démarrera par ces infrastructures prioritaires. Concrètement, il s’agira par exemple de remplacer des lignes électriques aériennes obsolètes par des lignes plus récentes, capables en outre de résister à des températures plus élevées, ou de surélever certains postes électriques pour les protéger contre les risques de crues. Ainsi, l’ensemble de ces mesures vise à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique sur le long terme.

***

N°4 du septembre ou octobre 2025 - Angle droit 33

Comité éditorial : Olivier Fuchs, Sophie Malet, Amandine Berruer, Ninon Boulanger, Sadan Camara-Keita, Soizic Dejou, Agnès Deville-Viziteu, Sophie Geay, Stéphanie Grossier, Méhar Iqbal, Nadia Lyazid, Olivier Meslin, Liliane Micot, Sophie Namer, Emma Quarante, Louise Soulard, Isabelle Volette

Voir les numéros précédents

Pour vous abonner ou vous désabonner à cette e-lettre, merci de fournir ci-après votre adresse de messagerie. Tous les champs marqués d’une astérisque (*) sont obligatoires.