Direction des affaires juridiques
Secrétariat général
La e-lettre bimestrielle de la Direction des affaires juridiques
N°6 du 21 novembre 2024 - Angle droit 29
Il y a presque deux ans, saisie par la cour administrative d’appel de Douai, la section du contentieux du Conseil d’État a rendu l’avis Association Sud-Artois (avis CE, 9 décembre 2022, n° 463563), précisant à quelles conditions le porteur de projets sollicitant une demande d’autorisation environnementale devait également solliciter la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. À cette occasion, le Conseil d’État a précisé :
Depuis, à l’occasion de litiges relatifs à des projets de parcs éoliens terrestres, le Conseil d’État a pu préciser sa grille d’analyse, en confirmant notamment son application aux parcs autorisés et déjà mis en service.
Sur le contrôle exercé par le juge administratif sur le caractère « suffisamment caractérisé » du risque pour les espèces protégées
1. Le Conseil d’État vient de confirmer que son contrôle des décisions du juge d’appel sur le point de savoir si le risque pour les espèces était suffisamment caractérisé portait sur l’absence d’erreur de qualification juridique des faits (CE, 6 novembre 2024, n°471372, aux Tables ; auparavant, CE, 17 février 2023, n°460798). Le contrôle du juge de cassation sur les décisions des juges du fond sur ce point est donc renforcé, puisqu’il ne se borne plus à contrôler que leur appréciation est exempte de dénaturation des pièces du dossier.
2. Dans les mois qui ont suivi l’adoption de son avis « Association Sud-Artois », le Conseil d’État avait d’abord annulé plusieurs arrêts de cours rendus avant le 9 décembre 2022, lorsqu’ils s’écartaient ostensiblement de la grille d’analyse dégagée dans son avis.
Ont ainsi été censurés les arrêts qui, pour apprécier la nécessité d’une dérogation :
De même, il a rapidement censuré l’arrêt de cour qui, pour considérer que le risque pour les espèces était caractérisé, avait relevé que les mesures d’évitement et de réduction prévues n’avait pas pour effet d’exclure « tout risque » pour celle-ci (CE, 22 juin 2023, n° 465839, point 7), et a précisé qu’un risque non « suffisamment caractérisé », au sens de son avis, n’était pas synonyme de risque « négligeable » (CE, 20 juillet 2023, n° 466162, point n°8 ; CE, 2 décembre 2023, n° 466696, point n° 7).
3. Le Conseil d’État a ensuite précisé les conditions de prise en compte des mesures d’évitement ou de réduction pour l’examen du niveau de risque du projet pour les espèces protégées.
S’agissant des projets d’installations, faisant l’objet d’une demande d’autorisation, il a souligné que ces mesures devaient permettre de réduire « dès l’origine » le risque pour les espèces au point que celui-ci ne puisse plus être considéré comme suffisamment caractérisé. Ainsi, l’appréciation des juges du fond et de l’administration sur ce point ne peut pas tenir compte des mesures « de suivi » permettant d’estimer la mortalité des espèces concernées une fois que l’exploitation du projet aura débuté, ou des mesures correctives envisagées en cas de constat d’un impact significatif du projet sur ces espèces (CE, 30 mai 2024, n° 474077, point 4).
Par diverses décisions, il a également confirmé que l’appréciation de l’existence d’un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées pouvait notamment s’appuyer sur les impacts théoriques du projet, après mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction envisagées, tels qu’évalués dans l’étude d’impact, dits « impacts résiduels ».
Dans cette logique, les cours tendent à considérer que les risques pour les espèces ne sont pas suffisamment caractérisés lorsque les impacts résiduels du projet sont qualifiés de « négligeables », ou seulement de « faibles » dans l’étude d’impact (CAA Nantes 7 juin 2024 n° 23NT01997, point n° 13 ; CAA Douai 23 mai 2024 n° 22DA01613, points n° 40 à 42).
Cependant, les qualificatifs employés dans l’étude d’impact ne sauraient suffire à établir, ou à infirmer, l’existence d’un risque suffisamment caractérisé, les juges du fond, et l’administration avant eux, devant en tous les cas s’attacher à apprécier si les mesures d’ évitement et de réduction envisagées présentent les garanties d’effectivité nécessaires pour diminuer « suffisamment » ce risque (pour un exemple d’examen - positif - de l’effectivité des mesures : CE, 7 juin 2024, n° 473434, points n° 11 et 12 ).
Il est à noter que le juge contrôle par exemple si un dispositif de bridage et d’effarouchement dynamique présente les garanties d’effectivité nécessaires, permettant ou non de le prendre en compte pour apprécier le risque pour l’espèce de l’avifaune concernée (à propos d’un parc en fonctionnement : CE, 6 novembre 2024, n°471372, mentionné ci-dessus).
Par ailleurs, si le Conseil a récemment jugé que l’impact résiduel « modéré » d’un projet pour l’avifaune et les chiroptères caractérisait suffisamment les risques pour cette espèce, c’est après avoir notamment observé que les impacts brut du projet sur les espèces concernées étaient importants et que l’effectivité des mesures de réduction proposées « était fortement discutée » (CE, 21 juin 2024 n° 474508, point 9).
Ainsi, comme l’a souligné le rapporteur public sous cette affaire, le qualificatif d’impact résiduel « modéré » dans l’étude d’impact n’implique pas nécessairement que le risque pour l’espèce concerné est caractérisé, mais, en ce cas « de solides justifications sur l’effectivité des mesures d’évitement et de réduction prévues » doivent être apportées par le pétitionnaire à l’autorité administrative, puis le cas échéant devant le juge, pour établir que tel n’est pas le cas.
Le Conseil d’État vient enfin de confirmer que l’appréciation du risque que le projet comporte pour les espèces protégées pouvait, le cas échéant, tenir compte des mesures complémentaires d’évitement et de réduction prescrites par l’administration, voire par le juge lui-même dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction (CE, 18 novembre 2024, société Q Energy, n°487701, aux tables).
Sur l’application de l’avis « Sud Artois » aux parcs éoliens et autres installations en fonctionnement
Le Conseil d’État a confirmé l’application de la grille d’analyse proposée dans son avis « association Sud-Artois », aux parcs éoliens bénéficiant d’une autorisation et déjà mis en service, en jugeant que la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » pouvait être exigée « à tout moment », dès lors qu’il est constaté que l’activité, l’installation, l’ouvrage ou les travaux faisant l’objet d’une autorisation environnementale comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, tout en précisant qu’était indifférente « la circonstance que l’autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d’une modification de cette autorisation » (CE, 8 juillet 2024, « LPO », n° 471174, aux tables, point n° 12).
Plus concrètement, le Conseil d’État a confirmé que l’autorité administrative pouvait adopter des prescriptions complémentaires sur le fondement des articles L. 181-14, R. 181-45, R. 411-10-1 et R. 411-10-2 du code de l’environnement dans le but de s’assurer ou de renforcer la conservation d’espèces protégées, auquel cas, elle devait s’assurer qu’il ne demeurait plus de risque caractérisé pour les espèces, compte tenu des mesures d’évitement et de réduction prévues et, en cas contraire, solliciter la délivrance d’une dérogation, sur le fondement de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, qui lui permet de mettre en demeure l’exploitant qui exerce son activité sans l’autorisation requise de régulariser sa situation dans un délai déterminé (qui ne peut excéder un an).
Il est à noter que l’arrêt n°21LY00407 du 15 décembre 2022 de la CAA de Lyon, qui mettait en œuvre pour la première fois l’avis « association Sud Artois » du Conseil d’État dans le cas d’un parc éolien en fonctionnement (évoqué dans notre article Angle droit commentant cet avis), vient d’être annulé par le Conseil d’Etat au motif que la mesure de réduction faisant l’objet des prescriptions complémentaires énoncées par le préfet ne présentait pas les garanties d’effectivité nécessaires (voir ci-dessus : CE, 6 novembre 2024, n°471372).
Par ailleurs les tiers intéressés, notamment les associations concernées, peuvent demander à l’autorité administrative de mettre en œuvre les pouvoirs qu’elle tient du même article L. 171-1 en mettant en demeure l’exploitant de déposer une demande de dérogation (pour un exemple ayant abouti à un non-lieu à statuer, la dérogation ayant été sollicitée et obtenue entre-temps : CE, 30 avril 2024, n°468297, mentionné aux Tables).
Comme on le voit, la postérité de l’avis Sud-Artois est déjà importante. Nul doute qu’elle continuera néanmoins à alimenter la chronique des prochains numéros d’Angle droit.
Cette application audacieuse du référé liberté permet de renforcer la protection juridictionnelle applicable aux espèces protégées.
Procédure disciplinaire - Droit au silence
"Vous avez le droit de garder le silence…"
Gaël Le Bourgeois, délégué ministériel à l’accessibilité
Par ailleurs, parmi les travaux en cours, je peux souligner aussi :
À cet égard, je tiens à souligner le déploiement des outils de collecte des données d’accessibilité : Acceslibre (pour le bâti), qui a enregistré plus de 500 000 ERP, et Acceslibre Mobilité (pour les transports et la voirie).
Placée dans une situation transversale aux différents domaines d’activités, la DMA anime et coordonne la politique d’accessibilité et les différentes actions engagées par les directions métiers. Elle leur apporte son expertise en matière d’accessibilité, mais n’ayant pas de budget propre, elle s’appuie aussi sur elles pour le déploiement de ses missions. Plus généralement, la DMA participe à l’animation et à la mise en œuvre des actions de sensibilisation et de formation nécessaires, participe au travail normatif, anime un réseau de correspondants en services déconcentrés.
En résumé, la DMA impulse, anime et évalue la politique d’accessibilité. Elle coordonne les services du ministère pour la définition, l’accompagnement de la mise en œuvre et l’évaluation de la politique d’accessibilité, au service d’une Cité toujours plus inclusive.
N°6 du 21 novembre 2024 - Angle droit 29
Comité éditorial : Olivier Fuchs, Umberto Berkani, Lucie Antonetti, Amandine Berruer, Ninon Boulanger, Soizic Dejou, Sophie Geay, Stéphanie Grossier, Méhar Iqbal, Sabrina Lalaoui, Nadia Lyazid, Olivier Meslin, Sophie Namer, Emma Quarante, Clémence Roul, Louise Soulard, Licia Villotta, Isabelle Volette, Pascal Zabal
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