La e-lettre bimestrielle de la Direction des affaires juridiques

N°4 du 24 juillet 2023 - Angle droit 21

Edito

par Olivier Fuchs



« Le plaisir de l’habitude est souvent plus doux encore que celui de la nouveauté » écrivait Marcel Proust (Les plaisirs et les jours). Pas besoin toutefois, dans ce nouveau numéro d’Angle droit, de sacrifier l’un pour l’autre, ou inversement, car cette livraison réussit à allier les deux.

L’habitude, d’abord : depuis janvier 2020, vingt numéros ont permis de faire grandir cette lettre et de l’inscrire dans le paysage de la vie des services de nos ministères comme un support d’information sur l’actualité juridique et un vecteur d’échanges, en particulier avec les réseaux territoriaux. Angle droit est ainsi devenu le rendez-vous régulier d’un lectorat fidèle.



Progressivement, toutefois, la tentation s’est faite jour de s’ouvrir vers l’extérieur et de rendre visible le travail qui, jusqu’ici, n’était accessible qu’aux agents des ministères concernés. C’est ce besoin qui avait présidé, par exemple, à la création de la rubrique des « 3 questions à » il y a quelques mois.

Pour son vingt-et-unième numéro, Angle droit fait donc sa mue : il change de format et devient accessible à toutes et tous. Cette nouveauté n’est certes pas une révolution, car le chemin est déjà tracé par d’autres lettres ministérielles d’information juridique. Mais c’est avec grand plaisir que nous franchissons ce pas aujourd’hui, pour ce premier numéro d’Angle droit nouvelle version, afin de pouvoir porter l’information et susciter le débat dans un cercle plus large.

Une telle transformation ne va pas sans des remerciements appuyés. Elle a bénéficié, d’abord, de l’entier soutien du secrétaire général, Guillaume Leforestier, qui a par ailleurs accepté de partager quelques réflexions dans les « trois questions à » de ce numéro. Cet exercice collectif a, ensuite, été rendu possible grâce aux efforts conjugués de la direction de la communication et la direction du numérique, qui ont permis la production de ce nouveau format. Merci, enfin, au pôle ressources et greffe, impliqué au quotidien dans la confection d’Angle droit et dont le présent numéro démontre l’efficacité et la grande capacité d’adaptation, de même que plus généralement à toutes celles et tous ceux qui, au sein de direction des affaires juridiques, œuvrent à ce que vive cette lettre.

Reste à espérer, désormais, que ces changements ne perturbent pas les habitués de la lecture d’Angle droit – un peu de nouveauté ne peut pas faire de mal - et surtout que, pour toutes celles et tous ceux qui vont découvrir cette lettre, sa lecture s’impose rapidement comme une habitude !

Zoom sur ….

Les suites de l’affaire Grande-Synthe



Face au défi climatique, le Conseil d’État est amené, dans le cadre du contentieux « Grande-Synthe », à apprécier à intervalle régulier les effets de l’action du Gouvernement sur la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effets de serre.

Par une première décision du 19 novembre 2020 (Commune de Grande-Synthe, n° 427031, au Recueil), le Conseil d’État s’est fondé sur les textes internationaux et européens relatifs au climat (convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, accord de Paris du 12 décembre 2015 et paquet européen énergie-climat notamment), ainsi que sur les dispositions législatives et réglementaires existantes, en particulier l’article L. 100-4 du code de l’énergie qui fixe un objectif de 40% de réduction des émissions de gaz à effets de serre entre 1990 et 2030, pour dégager un contrôle de la trajectoire. Il s’agit d’un « contrôle de conformité par anticipation, qui amène le juge à s’assurer, à la date à laquelle il statue, non pas que les objectifs ont été atteints, mais qu’ils pourront l’être, qu’ils sont en voie d’être atteints, qu’ils s’inscrivent dans une trajectoire crédible et vérifiable » (B. Lasserre, « L’environnement : les citoyens, le droit, les juges », Cour de cassation, 21 mai 2021).Par une deuxième décision du 1er juillet 2021 (n° 427301, au Recueil), le Conseil d’État a fait droit à la requête de la commune de Grande-Synthe en enjoignant au premier ministre d’adopter avant le 31 mars 2022 toutes les mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national. Il a jugé que les mesures adoptées par l’État ne permettaient pas d’assurer la compatibilité de la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre avec les objectifs de réduction desdites émissions tels que définis par l’article L. 100-4 du code de l’énergie, par le règlement européen n° 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États-membres de 2021 à 2030, ainsi que ceux résultant des engagements pris lors de l’accord de Paris (COP21).

Estimant que l’injonction du 1er juillet 2021 n’avait pas été mise en œuvre par l’État à son échéance, la commune de Grande-Synthe et plusieurs associations ont saisi le Conseil d’État, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative, d’une demande d’exécution de cette décision assortie d’une demande d’astreinte. Cette demande a donné lieu à une nouvelle décision le 10 mai 2023 (n° 467982, au Recueil), après avoir recueilli, dans le cadre d’une séance orale d’instruction, les observations des parties sur toute question de fait ou de droit dont l’examen était utile à la solution du litige.

Dans cette décision, le Conseil d’État a défini une méthode lui permettant d’apprécier si les mesures prises ou annoncées par l’État sont ou non de nature à permettre d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, désormais rehaussé à 55 % par un règlement européen 2021/1119 du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, entré en vigueur le 30 juillet 2021. À cet égard, le Conseil d’État précise que si le nouvel objectif européen et ses déclinaisons nationales ne peuvent être regardés comme applicables, en tant que tels, au présent contentieux, pour autant, cet élément ne saurait être ignoré dans l’analyse de l’évolution du niveau des émissions de gaz à effet de serre, dès lors que cette modification du cadre règlementaire mis en place par l’Union européenne va se traduire par un renforcement sensible des objectifs à atteindre par la France.

Pour ce faire, le Conseil d’État expose (point 8 de son arrêt) l’ensemble des éléments qu’il entend prendre en compte dans son examen de la mise en œuvre des objectifs nationaux et européens. Il indique en ce sens qu’il s’assure, en premier lieu, que les objectifs intermédiaires ont été atteints à la date à laquelle il statue en tenant compte des évènements exogènes qui ont pu affecter de manière sensible le niveau des émissions constatées. Il précise en deuxième lieu qu’il prend en compte les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement ainsi que celles susceptibles au contraire d’engendrer un accroissement des émissions. En troisième lieu, il indique qu’il fera usage des différentes méthodes d’estimation disponibles, y compris les avis émis par les experts, notamment le Haut conseil pour le climat.

Mettant sa méthode en application, le Conseil d’État observe que les objectifs fixés pour la période 2019-2023, correspondant à une diminution moyenne des émissions de 1,9 % par an, sont susceptibles d’être respectés. Il constate cependant que les réductions des émissions sur les années 2019, 2020 et 2022 sont potentiellement liées au contexte de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine tandis qu’en 2021, les émissions ont augmenté.

Il relève ensuite que « le Gouvernement a adopté un ensemble de mesures conséquent, qui concerne nombre d’activités ou de secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, et a alloué des montants importants aux investissements en lien avec la transition écologique et énergétique » et que ces « éléments doivent être regardés comme manifestant la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés en l’état à l’échéance 2030 et d’exécuter, ce faisant, la décision du 1er juillet 2021 ».

Toutefois, le Conseil d’État relève les incertitudes scientifiques qui entourent les projections réalisées, en particulier que l’évaluation de ces mesures repose sur des hypothèses non vérifiées à ce jour et que les conclusions de cette évaluation sont en contradiction avec l’analyse faite par le Haut conseil pour le climat, qui a conclu dans son rapport de 2022 qu’il existe un risque avéré que l’objectif de réduction pour 2030 ne soit pas tenu.

Compte tenu de la nécessité d’accélérer la réduction des émissions dès 2024 et dans la perspective des nouveaux objectifs adoptés par l’Union européenne pour 2030, le Conseil d’État estime dès lors que les mesures prises à ce jour ne permettent pas de garantir, de façon suffisamment crédible, que la trajectoire de réduction des émissions adoptée par le Gouvernement pourra être respectée, en particulier l’objectif de réduction de 40 % des émissions en vigueur à la date de la décision du Conseil d’État du 1er juillet 2021.

Dès lors, compte tenu de ces incertitudes persistantes, le Conseil d’État estime que sa précédente décision ne peut être regardée comme ayant été complètement exécutée. Ainsi, et tout en rejetant les conclusions aux fins d’astreinte compte tenu notamment des diligences déjà accomplies par le Gouvernement, le Conseil d’État adresse une nouvelle injonction en demandant au Gouvernement de transmettre d’ici le 31 décembre 2023, puis au plus tard le 31 juin 2024, tous les éléments justifiant non seulement qu’il a pris ces mesures mais aussi qu’elles sont de nature à permettre de respecter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Rendez-vous est donc pris pour la fin de l’année 2023.

L'actualité jurisprudentielle

Domanialité publique


CE, 5 juin 2023, M. A. B. P…, n° 467295, aux Tables

Protection du domaine public contre les occupations irrégulières – Référé tendant au prononcé de mesures utiles – Recevabilité – Compétence du préfet du département

Le préfet de département est compétent pour introduire, au nom de l’État, un référé mesures utiles afin de faire expulser un occupant sans titre du domaine public maritime naturel



Le Conseil d’État juge que le préfet de département, chargé de la protection et de la gestion du domaine public maritime, a qualité pour saisir, au nom de l’État, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés d’une demande tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre de ce domaine.

Sollicitant l’annulation d’une ordonnance, prise en ce sens, par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, le requérant soutenait notamment que le juge des référés avait commis une erreur de droit en ne relevant pas d’office le moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité de la requête du préfet de la Corse-du-Sud, qui n’était pas compétent, selon lui, pour introduire une requête sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative.

Ainsi que l’a relevé le rapporteur public, en se fondant sur les différents textes en vigueur dont les articles R.431-9 et R. 431-10 du code de justice administrative, la demande d’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public de l’État ne devrait pas, en principe, être introduite par le préfet. En l’absence de délégation de compétence, cette demande devait être présentée par le ministre intéressé - en l’occurrence, ici, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Pour reconnaître néanmoins la compétence du préfet, le Conseil d’État se fonde sur le fait que « l’autorité domaniale est tenue, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l’utilisation normale et au maintien de l’intégrité du domaine public et d’exercer à cet effet les pouvoirs qu’elle tient de la législation en vigueur. À cette fin, elle peut notamment saisir le juge administratif des référés, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’une demande tendant à ce que celui-ci prononce toute mesure utile ». Le représentant dans le département, chargé de la protection et de la gestion du domaine public maritime, a dès lors qualité pour remplir ce rôle.
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Environnement (chasse)


CE, 24 mai 2023, nos 459400, 459403, 459405, 459409, 460152, 460530, inédit

Méthodes de chasse traditionnelles - Arrêtés-cadres - Conditions d’absence d’autre solution satisfaisante et de sélectivité

Confirmation de l’annulation des arrêtés cadres de 1989 relatifs aux chasses traditionnelles



Après la suspension, dans le cadre d’un référé (CE, 21 octobre 2022, Associations LPO et One Voice, n° 468151 et s.), de l’exécution des cinq arrêtés du 17 août 1989 encadrant la capture des grives et des merles à l’aide de gluaux, la tenderie aux vanneaux et aux grives ainsi que la capture de l’alouette des champs au moyen de pantes et de matoles, le Conseil d’État s’est prononcé sur les demandes à fin d’annulation de ces arrêtés.

C’est sans grande surprise, compte tenu du nombre important de décisions allant désormais dans le même sens (voir par exemple CE, 28 juin 2021, Association One Voice et LPO, n°425519 et autres, aux Tables ; CE, 6 août 2021, 443742 et autres ; CE, 23 novembre 2022, n°457544 et autres), que le Conseil d’État a annulé les arrêtés attaqués, en retenant que les trois premiers types de chasses traditionnelles ne sauraient se justifier, ainsi que l’avait déjà relevé la Cour de justice de l’Union européenne, tout d’abord en raison de l’existence de solutions alternatives satisfaisantes telles que la chasse à tir ou l’élevage et, ensuite, du fait du manque de sélectivité de ces pratiques à l’égard des espèces non visées (CJUE, 17 mars 2021, n° C-900/19 ; v. aussi, sur ces conditions, art. L. 424-4 du code de l’environnement).

Si le juge a retenu qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les demandes d’annulation des arrêtés de 1989 afférents à la chasse au moyen de pantes et de matoles, ceux-ci ayant été abrogés par des arrêtés du 4 octobre 2022 de même objet, le Conseil d’État confirme, par ces décisions, que c’est la possibilité même de pratiquer ces chasses qui est aujourd’hui remise en cause.
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CE, 2 juin 2023, One Voice, n° 460895, inédit

Actes administratifs - Délai entre la publication et la prise d’effet - Droit au recours effectif – Absence de délai minimal

Réduction du délai entre la publication et la prise d’effet des arrêtés préfectoraux d’ouverture de chasse



Entérinant les mesures exceptionnelles prises durant la crise de la Covid-19 en matière de chasse, le 2° de l’article 1 et l’article 2 du décret n° 2021-1779 du 23 décembre 2021 relatif à diverses dispositions cynégétiques, dont l’objet était notamment de réduire le délai entre la publication et la prise d’effet des arrêtés autorisant la chasse, ne méconnaissent pas le droit à un recours effectif selon le Conseil d’État.

Initialement fixé à dix jours dans le code rural, le délai minimal devant être observé entre, d’une part, la date de publication des arrêtés préfectoraux fixant la date d’ouverture de la chasse à tir et le nombre d’animaux à prélever, et, d’autre part, la date d’ouverture de la chasse, est passé à vingt jours avec le décret du 27 octobre 1989 portant codification et modification des textes réglementaires concernant la protection de la nature (article R. 224-3 ancien). Par la suite, ce délai n’a plus fait l’objet de modification, y compris lors de sa codification (article R. 424-6 du code de l’environnement). La crise sanitaire liée au Covid-19 a toutefois conduit à ce que ce délai soit temporairement ramené à 7 jours par le décret n° 2020-583 du 18 mai 2020. Le décret attaqué pérennise ce régime provisoire. Il a fait l’objet d’un recours formé par une association.

L’argument principal de la requête concernait la méconnaissance du droit au recours effectif. Il était en effet soutenu que la durée laissée entre la publication de l’arrêté et sa date d’effet était trop restreinte pour permettre au juge des référés d’en suspendre l’exécution avant le début de la chasse et pouvait, des lors, conduire à des atteintes irréversibles à l’environnement, notamment à l’égard d’espèces en mauvais état de conservation. Ce moyen est écarté, le Conseil d’État jugeant que « les dispositions contestées du décret attaqué sont par elles-mêmes sans effet sur la possibilité ouverte aux tiers de former un recours contre les arrêtés préfectoraux en cause, notamment par le biais d’un recours en référé ». À cet égard, si le délai laissé pour former un recours constitue une composante du droit à un recours effectif (voir par exemple la décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017), le juge administratif dispose néanmoins des outils nécessaires pour, le cas échéant, faire cesser les atteintes avant qu’elles surviennent : c’est notamment le cas du référé-suspension et, depuis la décision M. et Mme Panchaud du 20 septembre 2022, du référé-liberté, procédure qui implique que le juge statue dans les quarante-huit heures de sa saisine.
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CE, 22 juin 2023, Fédération nationale des chasseurs et autres, nos 454722 et suivants, inédit

Dégâts de grand gibier – Conventionalité du régime d’indemnisation

Conventionalité du régime d’indemnisation des dégâts de grand gibier



Le Conseil d’État juge que les dispositions confiant aux fédérations de chasseurs la charge de l’indemnisation des dégâts de grand gibier ne méconnaissent ni le droit à la protection des biens, garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni l’article 14 de cette convention qui prohibe les traitements discriminatoires.

Confrontées à l’augmentation de la charge financière liée à l’indemnisation des dégâts de grand gibier, plusieurs fédérations des chasseurs contestaient les dispositions législatives et réglementaires qui mettent à leur charge l’indemnisation des dégâts de grand gibier.

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 janvier 2022 (décision n° 2021-963 QPC rendue sur renvoi du Conseil d’État), avait écarté les griefs de constitutionnalité soulevés à l’encontre des articles L. 421-5, L. 426-3 et L. 426-5 du code de l’environnement.

Restait alors à confronter le dispositif contesté au droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par la décision commentée, le Conseil d’État écarte également ces moyens. Il juge, d’abord, que les fédérations ne sont pas placées dans la même situation que les autres contribuables au regard des missions de service public qui leur incombent et des ressources qu’elles perçoivent pour les mener à bien, de sorte que les dispositions litigieuses n’ont pas pour effet de créer une discrimination injustifiée.

Il retient, ensuite, que le droit à la protection des biens n’est pas méconnu, dès lors qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations à l’exercice du droit de propriété et les exigences d’intérêt général poursuivies par la législation. À cet égard, si les fédérations soutenaient que les chasseurs ne comptent pas parmi les bénéficiaires des dispositifs d’indemnisation, ne sont pas responsables des dégâts causés par les espèces de grand gibier, qu’ils contribuent au contraire à réguler, et qu’ils subissent de manière croissante le coût de l’indemnisation de ces dégâts, la loi prévoit que seuls certains dégâts (causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles) peuvent donner lieu à une indemnisation, s’ils sont supérieurs à un seuil minimal, dont le montant est déterminé sur la base de barèmes fixés par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, et qui fait l’objet d’un abattement proportionnel. L’indemnité peut en outre être réduite, s’il est établi que l’exploitant a une part de responsabilité dans la survenance des dégâts et aucune indemnité n’est due si les dommages ont été causés par des gibiers provenant de son propre fonds. Ces motifs, très proches de ceux retenus auparavant par le Conseil constitutionnel, ont conduit le Conseil d’État à écarter ce moyen.

Après le Conseil constitutionnel, c’est donc le Conseil d’État qui ferme la voie de la contestation contentieuse de ce régime.
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Environnement (Risques)


CE, 21 avril 2023, Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises, n° 433889, Inédit

Publicité des produits biocides - Possibilité de réglementer les pratiques commerciales et la publicité sous certaines limites

Le règlement (UE) n° 528/2012 sur les biocides s’oppose à ce qu’une réglementation nationale impose une mention supplémentaire pour leur publicité à destination des professionnels



Le Conseil d’État annule les dispositions du II de l’article R. 522-16-2 du code de l’environnement qui imposaient des restrictions en matière de publicité des produits biocides à destination des professionnels en apposant une mention sur la nécessité de privilégier le recours à des produits moins nocifs.

Ces dispositions ont été attaquées par le Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises et plusieurs fabricants. Le Conseil d’État a, dans un premier temps, sursis à statuer sur ces requêtes, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne aux questions préjudicielles qu’il lui a posées, portant sur l’interprétation du règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides. Le Conseil d’État demandait à la Cour si ce règlement s’opposait à ce qu’un État membre adopte, dans l’intérêt de la santé publique et de l’environnement, des règles restrictives en matière de pratiques commerciales et de publicité, et, le cas échéant, sous quelles conditions un Etat membre pouvait adopter de telles mesures.

Par un arrêt du 19 janvier 2023, la juridiction communautaire a jugé que le règlement sur les biocides s’opposait à ce qu’une réglementation nationale impose une mention supplémentaire pour leur publicité à destination des professionnels (CJUE, 19 janvier 2023, CIHEF et autres, C-147/21, commenté dans Angle droit de mars 2023). C’est en se fondant sur cette interprétation que le Conseil d’État a annulé les dispositions du II de l’article R. 522-16-2 du code de l’environnement.

La Cour de justice a, en revanche, jugé que les États membres pouvaient prendre des mesures plus strictes en ce qui concerne certaines pratiques commerciales et de publicité à destination du grand public, dès lors qu’elles n’affectent pas l’accès au marché français de produits originaires d’autres États membres. Le Conseil d’État n’a donc pas fait droit à la demande d’annulation des dispositions de l’article R. 522-16-1 du code de l’environnement, également attaquées, qui portent sur les pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides, comme les remises et les rabais.
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CE, 3 mai 2023, Association Agir pour l’environnement et autres, n° 450155 et autres, inédit

Règlementation des produits phytosanitaires - régime de dérogation - champ d’application

Il n’y a pas de dérogation possible à l’interdiction européenne en matière de néonicotinoïdes



Le Conseil d’État juge que les dérogations à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes pour la culture de betteraves sucrières, qui avaient été temporairement accordées par des arrêtés des 5 février 2021 et 31 janvier 2022, sont illégales.

Cette décision fait suite à l’arrêt du 19 janvier 2023 par lequel la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 devaient être interprétées en ce sens qu’elles ne permettent pas à un État membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution (CJUE, 19 janvier 2023, Pesticide Action Network Europe e.a., C-162/21, commenté dans Angle droit de mars 2023). Or, s’agissant des substances actives « imidaclopride » et « thiaméthoxame », la Commission européenne avait interdit la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces deux substances actives par deux règlements d’exécution (UE) 2018/783 et (UE) 2018/785 du 29 mai 2018.
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CE, 10 mai 2023, SARL Lombricorse, n° 447189, aux Tables

ICPE – Compétence liée du préfet pour mettre en demeure l’exploitant – Faculté d’arrêter une ou plusieurs mesures de sanction

Devoirs et pouvoirs du préfet face à un exploitant d’ICPE ne respectant pas ses obligations



Le Conseil d’État juge que lorsque l’inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l’environnement, l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitant d’une installation classée, le préfet est tenu d’édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé, qui a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s’attachent à la fois à la protection de l’environnement et à la continuité de l’exploitation, de permettre à l’exploitant de régulariser sa situation, en vue d’éviter une sanction, et notamment la suspension du fonctionnement de l’installation. En cas de non-exécution de son injonction, le préfet peut arrêter une ou plusieurs des mesures de sanction prévues par la loi, au regard de la nature des manquements constatés et de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l’installation.

Cette décision reprend la solution de principe énoncée sur le fondement de l’article L. 514-1 du code de l’environnement alors en vigueur (CE, 9 juillet 2007, Ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Société Terrena-Poitou, n° 288367, aux Tables) et rappelle la situation de compétence liée dans laquelle se trouve le préfet, en application de l’actuel article L. 171-8 du même code, pour mettre en demeure un exploitant d’installation classée de satisfaire aux conditions qui lui sont imposées par la règlementation applicable. Une telle mise en demeure ne constitue pas une sanction. Le Conseil d’État juge par contre qu’en cas de défaut d’exécution de cette mise en demeure, le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation pour prononcer une sanction, qu’il choisit parmi celles prévues au même article L. 171-8 et qui doit être adaptée à la nature des manquements constatés et à la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l’installation.
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Habitat


CC, 26 mai 2023, n°2023-1050 QPC

Bail d’habitation - Droit de reprise du bailleur – Relogement du locataire sous conditions d’âge et de ressources – Offre dans un périmètre géographique déterminé - Droit de propriété

Obligation de relogement de locataires seniors à revenus limités : conformité à la Constitution du III de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989



Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du paragraphe III de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Ce dispositif limite la possibilité pour le bailleur de s’opposer au renouvellement du bail de son locataire lorsque celui-ci est âgé de plus de 65 ans et dispose de revenus limités, en l’obligeant à proposer à son locataire un nouveau logement à proximité de son domicile.

La Cour de cassation, saisie d’un litige concernant un logement donné à bail situé à Paris où les bailleurs devaient reloger leur locataire dans le même arrondissement ou l’un des arrondissements limitrophes de la location, avait transmis cette question prioritaire de constitutionnalité (Cass., 3è civ., 30 mars 2023, n°22-21.763, publié au bulletin). La Cour estimait que le moyen, tiré de ce que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété du bailleur, soulevait une question présentant un caractère sérieux. Les requérants soutenaient en effet que l’état du marché locatif dans le secteur concerné était susceptible de rendre impossible la soumission d’une telle offre de relogement.

L’examen du Conseil constitutionnel a plus précisément porté sur les mots « sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 précitée » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe III de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Au regard des exigences de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel considère d’abord que les dispositions litigieuses portent effectivement atteinte au droit de propriété en limitant le droit du bailleur de donner congé à son locataire à l’expiration du contrat.

Le Conseil relève toutefois que les dispositions litigieuses s’inscrivent dans l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent. En effet, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu protéger les locataires seniors et disposant de faibles ressources contre le risque de devoir quitter leur résidence principale et de la difficulté de se reloger qui en résulte. En parallèle, l’obligation de soumettre une offre de relogement au locataire ne s’applique pas au bailleur âgé de plus de soixante-cinq ans ou lorsque ses ressources annuelles sont inférieures au même plafond que celui fixé pour les locataires.

Le Conseil juge également que les difficultés pratiques que pourrait rencontrer le bailleur pour formuler une offre de relogement situé dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 n’entachent pas, par elles-mêmes, d’inconstitutionnalité les dispositions contestées. Il indique, d’ailleurs, que le bailleur conserve la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer et dispose, en outre, de la faculté d’assigner le locataire en résiliation du bail et en expulsion, en cas de manquement à ses obligations.

Par suite, le Conseil constitutionnel valide la conformité à la Constitution du dispositif.
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CE, 25 mai 2023, Union nationale des propriétaires immobiliers, n° 458153, n° 458155, n° 458156, inédit (trois arrêts)

Dispositif expérimental d’encadrement des loyers prévu à l’article 140 de la loi ELAN – Périmètre d’application du dispositif fixé par décret – Acte dépourvu de caractère réglementaire – Limitation proportionnée de l’exercice du droit de propriété – Absence de discrimination entre territoires

Les décrets fixant les périmètres d’encadrement des loyers passent le test du Conseil d’État



Le Conseil d’État rejette les requêtes tendant à l’annulation des décrets du 2 septembre 2021 fixant le périmètre d’application du dispositif d’encadrement des loyers prévu à l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN), respectivement sur les territoires de Bordeaux Métropole, de la métropole de Lyon et de Montpellier Méditerranée Métropole.

L’article 140 de la loi ELAN permet, dans certaines zones tendues et à la demande des autorités compétentes en matière d’habitat, un encadrement du niveau des loyers à la mise en location et au renouvellement du bail, à titre expérimental et initialement pour une durée de 5 ans, étendue à 8 ans par l’article 85 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration, soit jusqu’au 25 novembre 2026. Ce dispositif s’applique aux logements situés dans les « zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ». Dans les territoires concernés, définis par décret, le préfet fixe annuellement un loyer de référence, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 %) et un loyer de référence minoré (diminué de 30 %) par catégorie de logement et secteur géographique.

Dans les décisions commentées, étaient attaqués trois décrets du 2 septembre 2021 fixant les périmètres du dispositif d’encadrement des loyers sur les territoires de Bordeaux Métropole (n° 2021-1145), de la métropole de Lyon (n° 2021-1143) et de Montpellier Méditerranée Métropole (n° 2021-1144).

Les requérants ont saisi le Conseil d’État de recours en annulation de chacun de ces décrets, en invoquant notamment la méconnaissance des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), le défaut d’examen par le ministre des conditions posées par l’article 140 de la loi ELAN et l’illégalité des délibérations des conseils métropolitains sollicitant la mise en place du dispositif d’encadrement des loyers.

Le Conseil d’État écarte, d’abord, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er de son premier protocole additionnel. Confirmant l’approche adoptée dans la décision du 10 mai 2022 relative à la ville de Paris (CE, n°431485, aux Tables), il retient que la limitation apportée à l’exercice du droit de propriété résultant de la fixation par le préfet des loyers de référence, au demeurant à titre expérimental, présente un rapport raisonnable de proportionnalité avec l’exigence d’intérêt général d’accès au logement dans les zones tendues, compte tenu de leurs caractéristiques.

Dans ces contentieux, sont également souvent invoqués des moyens tirés de ce que d’autres territoires, parfois proches, ne sont pas soumis au même dispositif. La loi suppose toutefois un choix de la collectivité de mettre en œuvre cette politique sur son territoire. Il en résulte fort logiquement que le Conseil d’État, d’une part, écarte l’idée qu’il pourrait y avoir une discrimination entre des territoires présentant des caractéristiques identiques et, d’autre part, qu’il n’appartient pas au Premier ministre d’examiner d’office si des territoires voisins sont susceptibles d’être concernés.

Enfin, après examen des caractéristiques propres à chaque territoire au regard des critères fixés par l’article 140 de la loi ELAN, le Conseil d’État retient que les trois décrets concernés pouvaient légalement mettre en place le dispositif en cause.

Après trois décisions concernant des territoires de la région parisienne (outre la décision du 10 mai 2022 précitée, voir également à la même date les décisions n°449603 et n°454450), les trois décisions commentées viennent donc asseoir un peu plus le dispositif d’encadrement des loyers.
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Transports


CE, 1er juin 2023, Association Respire et autres, n° 473930, Inédit

Obligation de transposition des directives - Urgence et doute sérieux justifiant la suspension du refus d’adopter des mesures de transposition

Les mesures nécessaires à la mise en place du contrôle technique des deux roues doivent être prises dans un délai de deux mois


Le juge des référés du Conseil d’État enjoint à l’État de prendre l’arrêté d’application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place d’un contrôle technique périodique des véhicules motorisés à deux ou trois roues, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Le Conseil d’État a annulé, le 31 octobre 2022, un décret du 25 juillet 2022 qui avait abrogé, compte tenu des mesures alternatives à ce contrôle périodique mises en place, le décret du 9 août 2021. Ce faisant, le Conseil d’État avait rétabli les dispositions du décret d’août 2021 rendant obligatoire ledit contrôle à compter du 1er janvier 2022.

Plutôt que demander au Conseil d’État, dans le cadre d’une procédure d’exécution, de prescrire au Gouvernement de prendre les mesures d’application rendues nécessaires par sa décision, les associations requérantes demandaient la suspension de la décision implicite de refus de la Première ministre, préalablement saisie par leurs soins dans le cadre d’un recours gracieux, de les adopter.

Elles soutenaient notamment, en substance, que cette décision méconnaissait l’obligation d’assurer en droit interne la transposition de la directive 2014/45/UE ainsi que l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil d’État.

Le juge des référés du Conseil d’État retient, d’une part, que « eu égard à l’objectif d’amélioration de la sécurité routière et de protection de l’environnement recherché par la directive (…), l’intérêt public commande par suite que soient prises les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte aux droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne ». D’autre part, en l’état, le processus d’élaboration de l’arrêté d’application, présenté lors de l’audience, n’est « pas de nature à justifier de la transposition de la directive ». L’urgence et le doute sérieux quant à la légalité de la décision implicite de refus sont dès lors constitués et le Conseil enjoint au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois.
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Urbanisme et aménagement


CE, 2 juin 2023, Mme C., n° 449820, aux Tables

Urbanisme - Application des règles fixées par les POS ou les PLU - Application dans le temps - Permis de construire - Utilisation du sol

Incidence des modifications des règles d’un plan local d’urbanisme entré en vigueur postérieurement à l’octroi d’un permis de construire sur l’utilisation d’un terrain



Le classement en zone agricole d’une parcelle par le règlement d’un plan local d’urbanisme (PLU) n’a pas d’incidence sur les droits acquis qu’un bénéficiaire tient d’un permis de construire délivré antérieurement à l’approbation de ce PLU. En revanche, cette nouvelle affectation des sols peut empêcher l’exercice d’une activité économique non conforme à l’utilisation des sols arrêtée par le nouveau PLU pour le terrain en question.

En l’espèce, un propriétaire avait obtenu un permis de construire en 1959 pour la réalisation d’un immeuble comprenant notamment un atelier, des bureaux et deux appartements. Peu après la conclusion d’un bail commercial avec une société de transport, le nouveau PLU a classé la parcelle en cause en zone agricole où seules sont autorisées les occupations ou constructions nécessaires à l’exploitation agricole.

Le maire a alors informé la société de transport que son activité était contraire aux nouvelles dispositions du règlement du PLU. Ladite société ayant résilié son bail, la propriétaire a saisi la juridiction administrative en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation anticipée du bail causée, selon elle, par le courrier du maire.

Le Conseil d’État a jugé que le titulaire d’un permis de construire tient de celui-ci des droits qui ne sauraient être affectés par les dispositions d’un PLU entrées en vigueur postérieurement à sa date de délivrance.

Il a toutefois relevé que le permis de construire dont la requérante tenait des droits n’autorisait pas une activité économique. Le Conseil d’État en a donc déduit que ne méconnaît pas les droits que la requérante tenait du permis le courrier par lequel le maire a indiqué à la société preneuse du bail commercial que le stationnement de véhicules, au titre de son activité économique de transport, était contraire aux dispositions du règlement du PLU limitant l’affectation des sols dans cette zone à l’exercice d’activités agricoles.

Une précision relative à la procédure contentieuse a également été apportée par le Conseil d’État, qui a retenu que si la requérante a dirigé à tort sa demande indemnitaire contre la commune, alors que le maire avait agi en tant qu’autorité de l’État, cette circonstance n’a pas privé la commune de sa qualité de partie à l’instance dès lors que l’action indemnitaire a été formée à son encontre.
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CE 14 juin 2023, Fédération nationale des unions de jeunes avocats et autres, n° 466933, 466947 et 466955, aux Tables

Règles de procédure contentieuse spéciales - Nature et environnement - Principe de non-régression – Inopérance du moyen tiré de la méconnaissance de ce principe pour contester l’aménagement de la règle de l’appel

Le Conseil d’État valide la suppression temporaire du degré d’appel pour certains types de contentieux d’urbanisme


Le Conseil d’État rejette les requêtes introduites contre le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022, portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme (parties réglementaires), qui a pour objet de prolonger et d’étendre la suppression du degré d’appel prévue par l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative (CJA) pour différents contentieux d’urbanisme.

Dans sa rédaction issue du décret précité, l’article R. 811-1-1 du CJA prévoit la prolongation de la suppression du degré d’appel pour certains contentieux, notamment ceux visant les permis de construire ou d’aménager de projets situés en zones dites tendues au regard du besoin de logements, tout en la limitant aux permis comportant trois logements et plus. Cet article prévoit également l’extension de la suppression de l’appel aux contentieux liés aux actes de création et d’approbation du programme des équipements publics des zones d’aménagement concerté portant principalement sur la réalisation de logements et situées en tout ou partie en zone tendue, ainsi qu’aux contentieux en matière environnementale relatifs à des actions ou opérations d’aménagement situées en tout ou partie en zone tendue et réalisées dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme ou d’opérations d’intérêt national.

L’objectif recherché par ce dispositif est de favoriser le développement de l’offre de logements et le renouvellement urbain.

Par sa décision du 14 juin 2023, le Conseil d’État valide l’intégralité du dispositif et l’article R. 811-1-1 du CJA dans sa rédaction issue du décret du 24 juin 2022.

Alors qu’était invoqué le principe de non-régression, consacré par l’article L. 110-1 du code de l’environnement, le Conseil d’État juge que ce principe, propre à la matière environnementale, ne peut être utilement invoqué pour contester des dispositions qui aménagent, en matière contentieuse, la règle de l’appel.

Les dispositions de l’article R. 811-11-1 dans sa nouvelle version s’appliquent aux recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027.

L'actualité normative

Loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions

Alors que les jeux Olympiques et Paralympiques débutent dans à peine plus d’un an, une seconde loi Olympique, succédant à celle du 26 mars 2018, a été adoptée.

Aux côtés de dispositions portant sur l’adaptation en matière d’offre de soins et de secours, plusieurs dispositions ont notamment pour objet le renforcement de la lutte contre le dopage. Il en va ainsi, en particulier, de la possibilité visant à permettre au laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France de procéder, dans certains cas et, suivant une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, avec l’accord des sportifs concernés, à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen des caractéristiques génétiques d’un sportif.

D’autres dispositions tendent à mieux garantir la sécurité, par exemple celles visant à créer, à titre expérimental et pour une durée limitée, un cadre juridique permettant le traitement par des systèmes d’intelligence artificielle des images issues de la vidéoprotection ou de caméras installées sur des drones. Toujours dans le champ de la sécurité, la loi étend par ailleurs le champ des images consultables par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens à celui des « abords immédiats » des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.

Cette loi comporte également plusieurs autres dispositions qui intéressent nos ministères.

Certaines sont relatives, d’abord, à la publicité, en prévoyant notamment la possibilité pour les affichages publicitaires autour du parcours de la flamme olympique de bénéficier des dérogations prévues par la première loi olympique, et d’installer, à Paris, un dispositif de compte à rebours réalisé par un partenaire de marketing olympique et répondant à l’exigence de sobriété énergétique.

D’autres dispositions organisent également l’héritage de la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) en mutualisant ses moyens avec un autre établissement public de l’État, Grand Paris Aménagement.

La loi améliore enfin l’offre de transport des personnes en fauteuil roulant, en facilitant la délivrance d’autorisations de stationnement pour les taxis accessibles à ces personnes.

Le Conseil constitutionnel a validé, le 17 mai 2023, la plupart des articles contestés devant lui. À l’exception de la censure d’un cavalier législatif, concernant le droit de communication de l’Agence française de lutte contre le dopage, et sous deux réserves d’interprétation permettant de garantir le droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution ces dispositions.
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Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes

Le développement de l’énergie nucléaire est l’un des trois axes de décarbonation choisis pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles, au même titre que le développement des énergies renouvelables et que les mesures de sobriété et d’efficacité énergétiques amenant des économies d’énergie dans l’ensemble des secteurs d’activité. Dans ce contexte, la loi du 22 juin 2023 poursuit l’objectif de poser un cadre d’accélération des procédures administratives liées à la réalisation des futurs projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France, et ainsi de raccourcir les délais de réalisation de ces projets, lorsqu’ils sont localisés à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre de sites nucléaires existants. Elle comporte également des mesures applicables aux installations nucléaires existantes.

Parmi les mesures d’accélération des procédures, la loi prévoit que la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme est vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur, et dispense dès lors de toute formalité au titre du code de l’urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation. Cette autorisation environnementale est délivrée par décret.

La loi prévoit également une procédure spéciale de qualification de projet d’intérêt général d’un réacteur électronucléaire, permettant la mise en compatibilité des documents d’urbanisme qui ne permettraient pas la réalisation du projet.
Elle prévoit aussi que sous certaines conditions, qui seront précisées par un décret en Conseil d’État, un projet de réacteur électronucléaire répond par principe à la condition tenant à l’exigence d’une raison impérative d’intérêt public majeur nécessaire à la délivrance d’une dérogation à l’interdiction d’atteinte à des espèces protégées.

Elle permet, en outre, d’autoriser la réalisation anticipée de certains travaux liés à ces projets, d’apporter certaines dérogations aux règles relatives à l’aménagement et la protection du littoral, de modifier le régime de concession d’utilisation du domaine public maritime et d’appliquer la procédure de prise de possession immédiate de certains immeubles liés à ces projets.

Saisi par soixante parlementaires, le Conseil constitutionnel a exercé son contrôle sur le texte par une décision du 21 juin 2023. Outre neuf cavaliers législatifs, le Conseil a déclaré contraire à la Constitution l’article 17 de la loi, qui imposait au Gouvernement d’établir, avant le dépôt du projet de loi prévu en application du paragraphe I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, une carte et une liste des sites potentiels d’installation de petits réacteurs modulaires, et de présenter un bilan des avantages et des inconvénients de chacun des sites concernés, en s’appuyant sur une consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires. Le Conseil a jugé que cette disposition était contraire au principe de séparation des pouvoirs, car si le législateur peut prévoir des dispositions assurant l’information du Parlement, dans le cadre de son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, il ne saurait subordonner le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement.
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Décret n° 2023-385 du 22 mai 2023 précisant les conditions d’application de l’interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers intérieurs dont le trajet est également assuré par voie ferrée en moins de deux heures trente

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a prévu une interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers concernant toutes les liaisons aériennes, à l’intérieur du territoire français, dont le trajet est également assuré sur le réseau ferré national en moins de deux heures trente. Cette règle, inscrite à l’article L. 6412-3 du code des transports, se fonde sur l’article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008.

Le décret du 22 mai 2023 précise les conditions d’application de cette interdiction. Sont concernés les trajets pour lesquels une liaison ferroviaire substituable assure, dans chaque sens, un trajet de moins de deux heures trente. Le calcul de ces deux heures trente s’effectue entre gares desservant les mêmes villes que les aéroports respectivement concernés, sous réserve des aéroports directement desservis par un service ferroviaire à grande vitesse. La liaison, qui se fait sans changement de train, doit pouvoir être empruntée plusieurs fois par jour et avec un service satisfaisant. Elle doit également permettre plus de huit heures de présence sur place dans la journée, tout au long de l’année.

En d’autres termes, si un trajet ferroviaire prend moins de deux heures trente, les usagers devront désormais l’emprunter en lieu et place de l’avion. Entrent dans le champ de l’interdiction, par exemple, les trajets entre Paris-Orly et Nantes, Lyon ou Bordeaux.
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Décret n° 2023-455 du 12 juin 2023 relatif aux modalités de calcul de compensation financière des transferts de compétences résultant des articles 38 et 40 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale poursuit le mouvement de transfert du réseau routier appartenant à l’État aux collectivités territoriales. Par son article 38, elle organise ainsi le transfert des autoroutes, routes ou portions de voies non concédées relevant du domaine routier national aux départements, de la métropole de Lyon et des métropoles. Sur le fondement de son article 40, une mise à disposition de ces mêmes routes est par ailleurs possible au profit des régions, à titre expérimental.

L’article 150 de cette même loi prévoit que les transferts de compétences à titre définitif, résultant de l’article 38 de la même loi, et ayant pour conséquence d’accroître les charges des collectivités territoriales, ouvrent droit à une compensation financière, de même que l’expérimentation prévue à l’article 40.

Le décret du 12 juin 2023, qui précise que la compensation doit être équivalente aux dépenses consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées durant les trois années précédant le transfert, fixe les modalités de calcul de ce droit à compensation (période de référence, indexation et critère de répartition).
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Décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 relatif à l’obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a prévu, à son article 77, qu’à compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, à l’exception notamment des fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret.

Pour l’application de cette disposition, un décret du 8 octobre 2021 dressait la liste des fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac au sens des dispositions précitées. Pour prendre en compte la nécessaire adaptation des acteurs économiques, ce décret prévoyait également un régime d’exceptions plus large mais limité dans le temps. Le Conseil d’État a toutefois annulé ce décret dans sa totalité et sans moduler dans le temps les effets de son annulation (CE, 14 novembre 2022, Syndicat Alliance plasturgie et composites du futur et autres, n°458440, commenté dans Angle droit de janvier 2023).

Le décret du 20 juin 2023 intervient donc pour l’application de l’article 77 de la loi.
Il définit les termes de la disposition législative en cause et fixe la liste des fruits et légumes présentant un risque de détérioration à la vente en vrac, qui sont donc exemptés de l’interdiction d’emballage plastique. Il prévoit également qu’afin de permettre l’écoulement des stocks d’emballages, les fruits et légumes qui ne sont pas exemptés peuvent être exposés à la vente avec un conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique jusqu’au 31 décembre 2023.

L'actualité des réseaux

Retour de la compétence du préfet pour représenter l’État dans les contentieux en matière d’éolien terrestre en premier et dernier ressort devant les cours administratives d’appel



Le décret n° 2023-372 du 15 mai 2023 relatif à la déconcentration de la représentation de l’État devant les cours administratives d’appel pour les contentieux relatifs aux éoliennes terrestres modifie le code de justice administrative en insérant un article L. 432-12-1 pour prévoir que, pour les litiges nés de l’activité des services de la préfecture et relatifs aux décisions en matière d’éolien terrestre, qui relèvent des cours administratives d’appel en premier et dernier ressort, le préfet est compétent pour présenter les mémoires et observations produits au nom de l’État.

Ce texte permet le retour à la configuration antérieure à 2018, lorsque les services préfectoraux assuraient la défense de l’État en première instance dans les litiges relatifs au contentieux éolien terrestre, ces affaires relevant alors de la compétence des tribunaux administratifs en premier ressort. Par un décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, la compétence pour connaître de ce contentieux a été donnée aux cours administratives d’appel, statuant en premier et dernier ressort. Cette réforme a induit, mécaniquement, la compétence du ministre pour défendre ces contentieux, dès lors que le principe, prévu à l’article R. 811-10 du code de justice administrative, est que « les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d’appel les mémoires et observations produits au nom de l’État ». Or, dans les faits, les services déconcentrés n’ont pas cessé de préparer les écritures de l’État dans ces affaires, lesquelles devaient toutefois ensuite être validées, signées et envoyées au niveau central.

En redonnant compétence au préfet pour défendre au nom de l’État en premier ressort en matière d’éolien terrestre, le décret supprime un facteur de lourdeur administrative, tout en rendant leur juste place aux services déconcentrés, lesquels ont une connaissance approfondie de chaque projet et des territoires dans lesquels ils s’insèrent. La direction des affaires juridiques continue d’accompagner les services dans le traitement de ces contentieux, à la fois sur des questions particulières en cas de besoin, mais aussi de manière pérenne, notamment par la diffusion d’informations et la mise en place d’une formation en matière de contentieux éolien.

3 questions à … ,

Guillaume Leforestier, secrétaire général des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de la transition énergétique

Quel regard portez-vous sur la place du droit dans les politiques du développement durable ?

La norme n’est pas à la mode. Réputée rigide, en inflation constante, on la présente de plus en plus souvent, et parfois à juste titre, comme une entrave à l’action ou à l’agilité des administrations. Or si tout dans l’action publique n’est évidemment pas juridique, nous avons besoin de règles de droit pour donner des repères aux acteurs, assigner clairement les responsabilités et organiser l’action.

C’est particulièrement vrai dans le champ de nos politiques où toute la gamme des instruments juridiques est mobilisée pour fixer des objectifs (en matière de décarbonation, de sobriété…), réguler des secteurs économiques (transports, logement, énergie…), orienter les comportements des agents économiques par la réglementation ou la fiscalité, ou encore exercer nos missions régaliennes de protection des écosystèmes, des biens et des personnes (police de l’eau et de la nature, prévention des risques naturels et anthropiques…).

Ce droit est le droit que nous produisons et faisons respecter, mais aussi celui que, dans un État de droit, on nous oppose, en particulier au contentieux. À cet égard, l’émergence récente des contentieux dirigés contre les carences reprochées à l’État dans le domaine du climat ou de la qualité de l’air vient confirmer la place essentielle du droit dans l’action publique, les citoyens n’hésitant plus à prendre l’administration à témoin de ses engagements devant le juge.

À cet égard, quels sont les grands enjeux pour la DAJ dans l’année à venir ?

Les missions traditionnelles de la DAJ sont d’apporter un appui juridique dans la rédaction des textes, de veiller à la transposition des directives et à l’application des lois et de défendre les intérêts de l’État au contentieux. On sait que les politiques du développement durable au sens large sont pourvoyeuses d’un très grand nombre de contestations devant les tribunaux, ce qui conduit les équipes de la DAJ à être très mobilisées sur le contentieux. Je veux ici saluer la qualité de la défense qu’elles assurent, souvent dans des conditions et délais très exigeants. Il est par ailleurs également important, en amont de l’édiction de la norme, d’apporter aux directions métiers un appui juridique dès que nécessaire, ce que la DAJ s’emploie à faire avec efficacité.

Pour autant, de nouvelles problématiques émergent qu’il convient de prendre en compte. Je songe au développement de notre expertise en droit pénal de l’environnement, en lien avec les juridictions judiciaires, à la place croissante que prennent les questions déontologiques et la prévention des atteintes à la probité dans un pôle ministériel très interfacé avec le monde économique, ou encore, sur un plan plus organisationnel, à la nécessité pour la DAJ de structurer et d’animer un véritable réseau de juristes dans les services déconcentrés et, à terme, au sein de nos établissements publics sous tutelle. Un dernier enjeu, qu’illustre le nouveau format d’Angle droit, tient à mieux faire connaître et partager l’expertise de haut niveau de notre DAJ, à l’image de ce que font notamment nos homologues des ministères financiers sur les questions de commande publique par exemple.

Pourriez-vous nous dire un mot sur votre rapport personnel au droit ?

J’ai rencontré le droit à Sciences Po et ma formation en philosophie m’y prédisposait. Les deux disciplines ont en commun une approche à la fois analytique et systématique. Elles impliquent un goût prononcé pour le raisonnement et la rédaction et exigent d’avoir, autant que possible, les idées "claires et distinctes".

J’ai eu la chance de faire du droit dans des contextes très différents : comme administrateur d’une assemblée parlementaire où il s’agissait de traduire en amendements ou en propositions de loi la volonté exprimée par les élus, au Conseil d’État comme conseiller juridique du Gouvernement et juge de l’administration, en cabinet ministériel et en administration centrale aujourd’hui, où j’ai sur la plupart des questions le réflexe du retour au texte. Il ne s’agit pas de s’y enfermer ou de se retrancher derrière lui, mais de comprendre dans quel cadre on agit pour remplir pleinement sa mission et, si ce cadre s’avère inadapté, de le changer.

N°4 du 24 juillet 2023 - Angle droit 21

Comité éditorial : Olivier Fuchs, Umberto Berkani, Lucie Antonetti, Laurent Balard, Stéphanie Bottineau, Ninon Boulanger, Sophie Geay, Céline Karaguilian, Olivier Meslin, Sophie Namer, Louise Soulard, Licia Villotta, Isabelle Volette, Pascal Zabal

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