Normes 360

La lettre d’info mensuelle sur la normalisation volontaire au sein du pôle ministériel Aménagement du Territoire et Transition Ecologique - N°2 - Octobre 2025

On en parle ?

Erick Lajarge,

Responsable ministériel aux normes

Erick Lajarge, Responsable ministériel aux normes

Vous avez été nombreux (si si, même si ce n’était pas non plus un truc de dingue !) à apprécier la première newsletter de la normalisation volontaire au sein du pôle ministériel Aménagement du Territoire et Transition écologique. Merci !

Avec ce numéro 2, nous allons parler Villes intelligentes et durables, carte bleue et de bien d’autres choses. Mais, à la suite de notre "papier" sur la biodiversité, nous ne pouvons que saluer la publication de la norme ISO 17298 relative à la biodiversité, publication annoncée lors du congrès mondial de l’ISO à Kigali (Rwanda).

Bravo aux équipes AFNOR et OFB, notamment, qui ont permis à ce long travail d’aboutir et enfin félicitations au comité ISO/TC 323 “Économie circulaire”, présidé par Catherine Chevauché, récompensé par l’ISO lors du congrès pour ses travaux sur les normes ISO 59000 .

Et puisque cette newsletter est aussi un espace d’échange, place maintenant au dialogue ! Ce mois-ci, nous donnons la parole à deux acteurs de la normalisation au service de la Ville durable.

Bonne lecture !


Sommaire


On dialogue avec vous

Ce mois-ci, nous rencontrons deux acteurs clés de la normalisation au service de la Ville durable.

Pascal Berteaud, directeur général du Cerema

Pascal Berteaud, directeur général du Cerema

 

Christian Brodhag, président de la Commission Villes et Territoires durables et intelligents et ancien délégué interministériel au développement durable

Christian Brodhag, président de la Commission Villes et Territoires durables et intelligents et ancien délégué interministériel au développement durable

 

1) Qu’est-ce qu’une Ville durable ?

CB : La Ville durable incarne un territoire qui, selon moi, s’articule autour de trois piliers :

• Environnemental, par la protection et la valorisation des ressources naturelles (eau, biodiversité, énergies renouvelables…), avec pour objectifs la circularité, la neutralité carbone et le respect des limites planétaires et locales.

• Économique : Développement de modèles industriels sobres et de services innovants, ancrés dans les territoires et optimisés par la transition numérique.

• Social : Espace de vie et de citoyenneté, garantissant l’accès aux services, la mixité sociale et la participation active des habitants.

Elle doit reposer aujourd’hui sur la double transition — écologique et numérique — pour repenser les infrastructures, les services et les modes de gouvernance.

PB : La notion de ville durable a évolué depuis son apparition au début des années 2000 dans la foulée du rapport Brundtland, qui a trouvé à s’appliquer à l’aménagement comme à toutes les activités, dans une logique de croisement et d’intégration territoriale des enjeux sociaux, environnementaux et économiques.

Le ministère du développement durable a été un précurseur de l’identification des critères qui pourraient qualifier la ville durable, dans les domaines de la construction, des mobilités, de l’énergie, des ressources et de leur lien aux territoires, de l’économie circulaire, de la renaturation… Les premières politiques publiques en la matière ont émergé à l’occasion du Grenelle de l’environnement et ont essaimé ensuite dans tous les champs d’application technique de la fabrique urbaine.

En 2025, un organisme technique de référence sur l’aménagement comme le Cerema, est spécialisé dans la décarbonation des process et matériaux, dans la consolidation d’un référentiel éco-quartiers national, dans la normalisation des villes durables et intelligentes au niveau national, européen et international, dans la connaissance et la prévention des risques naturels et leurs impacts sur les infrastructures et l’aménagement. Et nous sommes aussi des spécialistes de la ville sobre, de la gestion de l’eau urbaine, de l’efficacité énergétique, de la transformation du bâti existant, de la désimperméabilisation et de la nature en ville.

De l’échelle territoriale à l’échelle du quartier, et jusqu’à celle du bâtiment, nous nous attachons à faire progresser la ville, et singulièrement la ville existante vers davantage de durabilité, en croisant des approches low tech et les outils d’optimisation numérique.

Ainsi, si chaque ville peut prendre des apparences spécifiques, liées à ses propres déterminants historique, culturel, géographique, climatique, la ville est durable en fonction de son organisation, et désormais au regard de son implication dans la prise en compte des objectifs de développement durable.

Mais les déterminants de la ville durable sont aussi systémiques, et doivent conduire à réinterroger l’organisation et la gouvernance de la ville au croisement des enjeux globaux et locaux.

2. Pourquoi ce sujet est-il crucial aujourd’hui ?

Les villes, épicentres des défis climatiques et sociétaux, concentrent 70 % des émissions de CO₂ et la majorité des ressources consommées. Elles cristallisent les risques (impact des changements climatiques, crise de l’eau, pression sur les écosystèmes et les services qu’ils dispensent) tout en étant des laboratoires de solutions :

• Innovations urbaines : Adaptation au changement climatique, mobilités douces, bâtiments bas carbone, énergies renouvelables, économie circulaire, circuits courts…

• Résilience sociale : Lieu de socialisation, elles atténuent les fractures numériques et doivent pouvoir garantir l’équité, l’accès aux ressources et la cohésion sociale.

• Technologies numériques intégrées : Utilisation de jumeaux numériques, plateformes de données partagées, et outils collaboratifs protégeant les données personnelles et souveraines devraient permettre une maitrise de la durabilité tout en contrebalançant les effets négatifs des réseaux sociaux.

La complexité des enjeux exige une planification stratégique, un management adapté et une gouvernance ouverte, capable de fédérer tous les acteurs du territoire (collectivités, entreprises, citoyens).

PB : L’accélération du changement climatique réinterroge en continu la gestion et le développement urbains, et donne une acuité nouvelle à la situation territoriale, dont les déterminants sont clés pour la résilience aux crises , des canicules aux inondations. Après une décennie très portée sur la décarbonation (efficacité énergétique, énergies renouvelables, mobilité durable et motorisations zéro émission, circuits courts et économie circulaire), les enjeux de la ville durable sont aujourd’hui tournés vers l’adaptation, et la question des coûts évités par les stratégies de résilience devient centrale. C’est ce que nous appelons, au Cerema, avoir « le changement climatique optimiste ».

Aménageurs, constructeurs, gestionnaires, opérateurs doivent désormais tenir compte de ressources en diminution, et d’enjeux de souveraineté et de marchés qui nous imposent d’être plus robustes dans nos modèles d’affaires. Le défi pour les villes est double : continuer d’accueillir les populations, biens et services qui ont besoin des effets d’agglomération qu’elles permettent, tout en prenant davantage en considération leur impact sur l’environnement, proche et lointain, dans une logique de métabolisme urbain (« où je vis, ce dont je vis », disait Bruno Latour).

Pour mettre en œuvre les très nombreuses actions d’adaptation des différents dispositifs français (Agenda 2030, Plan National d’adaptation au changement climatique, stratégie nationale bas carbone…) ou européens (Réseau Net Zero Cities, Climate City Contracts), la capacité à prioriser selon les spécificités des territoires est essentielle. En la matière, les données de référence que peut produire le Cerema (zones inondables, îlots de chaleur urbains, caractéristiques foncières ou immobilières…) sont précieuses pour tous.

Quel est le rôle de la normalisation sur ce sujet de la Ville durable et que dire de la position française ?

Les normes (ISO, CEN) structurent la conception, la gestion et l’évaluation des projets urbains, en capitalisant les bonnes pratiques. Au niveau européen, les innovations issues des programmes comme Horizon Europe s’inscrivent dans ce cadre pour une diffusion à grande échelle.
La commission Villes et territoires durables et intelligents de l’AFNOR apporte de façon prioritaire son soutien à deux chantiers menés par la France :

• La révision de la norme de management ISO 37101 à l’ISO TC 268 visant à améliorer son appropriabilité par les villes et la prise en compte des limites planétaires.

• Le jumeau numérique local au sein CEN TC 465 dans le cadre du mandat de normalisation de la commission européenne sur ce sujet.

Le modèle français et européen se distingue au niveau international. Il est fondé sur une planification démocratique, une organisation territoriale équilibrée, et une innovation responsable, alliant technologie, écologie et inclusion.

La France assure un véritable leadership en présidant les comités techniques sur les villes durables, la biodiversité, l’eau et l’économie circulaire. Cependant, ce leadership est mis à l’épreuve face à l’investissement massif de la Chine dans la normalisation internationale, qui promeut un modèle urbain différent.

Pour préserver cette influence, les acteurs français (administrations, collectivités, entreprises, associations) doivent s’impliquer activement dans les instances de normalisation européenne et internationale, en y apportant leur expertise terrain.

PB : La normalisation peut avoir un effet de levier important, sous réserve de renforcer la fonction qu’elle peut jouer dans l’organisation du développement des villes. Le « standard » qui ressort des travaux de normalisation est le fruit d’un travail entre partenaires et acteurs professionnels, l’expression d’une volonté de faciliter l’organisation transversale d’une démarche par le recours à des modalités d’organisation collectives. Au Cerema nous sommes attachés à produire des « normes » qui ne sont pas immédiatement contraignantes ou rigides mais bien au service de l’innovation territoriale et technique

La France pourrait ainsi mieux partager les avancées constatées sur les territoires et augmenter son influence sur la scène internationale, puisque de nombreux comités techniques internationaux d’élaboration des standards sont présidés par l’AFNOR et des acteurs français, notamment sur les sujets :

  • Villes et cités durables (ISO/TC 268),
  • Biodiversité (ISO/TC 331),
  • Économie circulaire (ISO/TC 323),
  • Management de l’Innovation (ISO/TC 279),
  • Aspects environnementaux, économiques et sociaux du bâti durable (ISO/TC 59/SC17),
  • Systèmes agroalimentaires pilotés par les données (ISO/TC 347)

On vous explique : l’organisation du système français de normalisation

Le système français de normalisation (SFN), animé par le Comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN) rassemble l’AFNOR (qui assure le secrétariat du CCPN), les Comités d’orientation stratégique (COS), les Bureaux de normalisation sectoriels (BNS) et les commissions de normalisation.
L’ensemble fonctionne sous la tutelle du ministère chargé de l’Industrie, qui veille à la cohérence du dispositif avec les politiques publiques.

Les travaux « de base » sont effectués au sein de commission de normalisation animés par AFNOR ou l’un des 19 bureaux de normalisation tels que le BNTRA pour les routes et l’aménagement, le BNTEC pour la construction, le BNAE pour l’aéronautique ou encore le BN pour les énergies. En fonction du sujet à traiter, les travaux de normalisation seront soit confiés à un BN sectoriel soit à AFNOR.

Il existe 879 commissions de normalisation, AFNOR en gère 433 et les BNS 446 et pour impulser des secteurs thématiques 11 comités stratégiques rassemblant les acteurs d’un champ d’expertise plus large tels qu’Environnement et Eau, Construction et Urbanisme, Équipements et Solutions industriels, Numérique ou encore Mobilités et logistiques. Ces COS se réunissent deux à trois fois par an.

Enfin, le CCPN définit quant à lui la stratégie nationale de normalisation et les sujet impliquant les sujets transverses comme One Health qui est un sujet inter-COS par essence. Il est composé de représentants des ministères, des bureaux de normalisation, d’experts et est donc animé grâce à AFNOR qui en assure le secrétariat et le suivi.

Pour finir, il convient d’évoquer, au sein de ce SFN, la présence pour l’État de la déléguée interministérielle dans les instances de normalisation françaises, que ce soit au CA d’AFNOR, au CCPN ou en tant que pilote du comité d’audit et d’évaluation qui évalue et agrée tous les bureaux de normalisation.


On vous dit tout…

Rencontre PRAESIDIEM

Le 19 septembre 2025, le CGDD et AFNOR ont organisé à la tour Séquoia la journée PRAESIDIEM 2025, réunissant plus d’une cinquantaine de présidents français de comités techniques ISO et CEN. Cette rencontre s’inscrivait dans la préparation de l’Assemblée générale de l’ISO 2026, que la France accueillera au CNIT – La Défense.

Trois temps forts ont rythmé les échanges : la préparation de la contribution française, la stratégie d’influence internationale et la réflexion autour du « Manifeste de Paris », consacré à l’adaptation des normes techniques au changement climatique.

Une journée placée sous le signe de la réflexion et de la mobilisation collective pour renforcer l’influence française dans la normalisation internationale.

Les Rendez-vous du BNTRA

Le 23 septembre, une nouvelle édition des Rendez-vous du BNTRA s’est tenue à la Maison des Travaux Publics sur le thème « Agir ensemble pour des référentiels au service de la transition écologique des travaux publics ».

Le BNTRA, Bureau de normalisation des travaux routiers et de l’aménagement, a pour mission d’aider les entreprises du secteur à faire évoluer leurs pratiques techniques vers des modèles plus durables. Cinq priorités orientent aujourd’hui son action : mieux coordonner les acteurs, préparer l’arrivée du Plan de référence commun (PRC), mobiliser la filière pour peser dans les décisions, associer davantage les collectivités territoriales et maîtres d’ouvrage et anticiper les nouveaux enjeux environnementaux.

Le BNTRA a aussi souligné la nécessité d’un engagement plus fort de l’État, indispensable pour renforcer la confiance entre les collectivités et les gestionnaires de réseaux.

Pour suivre les travaux du BNTRA, retrouvez La Une du BNTRA et les ressources en ligne sur le site Expertise Territoire.

Mise en œuvre du Règlement Machines – 30 septembre 2025

Le 30 septembre, l’Union de normalisation de la mécanique (UNM), en partenariat avec le Comité électrotechnique français, a organisé une demi-journée d’information consacrée au Règlement européen sur les machines (UE 2023/1230).

Ce nouveau texte remplacera en janvier 2027 l’actuelle directive européenne de 2006. Il fixe les règles de conception et de mise sur le marché des machines afin de garantir leur sécurité. Il introduit aussi de nouvelles exigences liées à la cybersécurité et à l’intelligence artificielle pour mieux encadrer les équipements connectés.

Près de 300 professionnels se sont réunis à la Maison de la Mécanique et en ligne pour échanger sur la transition vers ce nouveau cadre et sur la place des normes techniques dans son application.

Réunion des correspondants du Réseau Scientifique et Technique (RST)

La réunion du Réseau scientifique et technique (RST) du 8 octobre a permis de faire un point sur la mesure 24 du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3).

Cette mesure vise à intégrer les effets du réchauffement climatique dans les normes techniques. Un guide méthodologique est en cours d’élaboration afin d’identifier les normes concernées et d’évaluer leur sensibilité aux évolutions climatiques. Fin 2025, cette méthode sera proposée aux commissions de normalisation pour test et mise en œuvre, avant d’être portée, on l’espère, au Congrès de l’ISO 2026 au CNIT à la Défense.

Le comité ISO sur l’économie circulaire récompensé à Kigali

Lors de l’Assemblée générale de l’ISO 2025 à Kigali (Rwanda), le comité technique ISO/TC 323 « Économie circulaire », présidé par Catherine Chevauché, a reçu le Lawrence D. Eicher Leadership Award, la plus haute distinction décernée par l’ISO à un comité technique.

Ce prix récompense la qualité du management du comité, la diversité et l’inclusivité de ses travaux, ainsi que l’engagement d’experts venus de plus de 100 pays. Il met aussi en lumière la publication de la série de normes ISO 59000 qui définissent et harmonisent à l’échelle mondiale les principes et bonnes pratiques de l’économie circulaire.

Cette distinction rappelle aussi l’urgence de passer à l’action et de mettre concrètement en œuvre les normes ISO 59000, indispensables pour réussir une bonne transition écologique face aux enjeux environnementaux.


On vous raconte une belle histoire de normes?

Savez-vous que derrière votre carte bancaire, il y a une belle histoire de normes ?

Que vous soyez à Tokyo ou à Guéret, vous pouvez utiliser votre carte bancaire pour retirer de l’argent par exemple et ce grâce à une norme et cette norme, c’est la ISO/IEC 7810, celle qui décide que votre carte doit mesurer 85,60 mm sur 53,98 mm. Grâce à elle, le monde entier a adopté la même taille de rectangle.

En 1974, un ingénieur un peu visionnaire Roland Moreno, imagine une carte capable de penser un peu par elle-même. Son idée ? Glisser un mécanisme électronique dans du plastique pour sécuriser les transactions. À l’époque, ça paraissait impossible. Aujourd’hui, c’est devenu aussi banal qu’un ticket de métro.

Puis, les banques, les industriels et les États ont dû s’entendre et là encore, ce sont les normes qui ont mis tout le monde d’accord. Sans elles, chaque distributeur aurait parlé son propre “dialecte électronique”. Il aurait alors été impossible de retirer de l’argent ailleurs que dans sa banque d’origine.

Grâce à la normalisation, Visa, Mastercard, CB …ont appris à se comprendre.

C’est ainsi que la carte bancaire est devenue un passeport universel du paiement, tout en restant le même petit rectangle. Et quand vous payez votre café en sans contact, pensez à la norme ISO/IEC 14443 ! C’est elle qui fait le lien entre votre main, le terminal et votre banque.


Ce qu’il ne fallait pas manquer…

DateÉvénement
19 septembre 2025 Réunion Praesidiem
30 septembre Mise en œuvre du Règlement Machines par l’UNM
23 septembre Rendez-vous du BNTRA
13 octobre High Level Forum
14 octobre Trophée Hors normes

Ça arrive bientôt !

DateÉvénement
15 oct CA COFRAC
21-22 oct Meet-up Greentech
23 oct CA AFNOR
18 nov Convention Mecallians — Normes, innovation, souveraineté : construire la réindustrialisation

Cette rubrique est aussi la vôtre, merci de nous faire connaître les évènements que vous souhaitez porter à connaissance des lecteurs de cette lettre !

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