COMMANDE PUBLIQUE
Conseil d’Etat, 22 juillet 2025, n°494323, Société NGE Génie civil et autres, aux Tables
Intérêts moratoires – Transaction – Marchés publics
Il est interdit de renoncer aux intérêts moratoires dans le cadre des transactions relatives au règlement des marchés publics
En matière de transaction relative au règlement des marchés publics, la jurisprudence a posé de longue date le principe d’interdiction pour les parties de prévoir, au titre des concessions réciproques, la renonciation au paiement des intérêts moratoires. La présente affaire en est une nouvelle illustration.
L’interdiction de renoncer aux intérêts moratoires résulte du droit des marchés publics et en particulier, aujourd’hui, de l’article L. 2192-14 du code de la commande publique, aux termes duquel « Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite ». Dès 2003, sous l’empire des dispositions similaires de l’article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, le Conseil d’Etat a jugé que ces dispositions « interdisent de façon absolue toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, que cette renonciation intervienne lors de la passation du marché ou postérieurement », donc également à l’occasion d’une transaction (voir CE, 17 octobre 2003, n°249822, au Recueil).
Ainsi, un protocole prévoyant une indemnité transactionnelle "pour solde de tout compte" et valant renonciation à toute réclamation ultérieure relative au marché litigieux ne peut être regardée comme valant renonciation au paiement des intérêts moratoires sur les sommes en cause (CE, 10 novembre 2004, n° 256031). Enfin, lorsqu’elle est expressément prévue par le protocole transactionnel, une clause de renonciation aux intérêts moratoires entache d’illicéité le contenu du protocole transactionnel et justifie son annulation par le juge (CE, 18 mai 2021, n° 443153, aux Tables).
Dans la présente affaire, le Conseil d’Etat rappelle cette interdiction absolue et l’applique au cas d’un retard de paiement par rapport à la date de règlement global fixée par le protocole transactionnel. Il estime que lorsque, comme en l’espèce, un accord de transaction fixe, forfaitairement et définitivement pour solde de tous comptes en principal et intérêts, le montant global d’un marché à un nouveau montant incluant les reprises de réserves, les révisions de prix et les intérêts moratoires, pour un règlement prévu au plus tard à une date prévue par cet accord, la somme due au terme de ce dernier ne procède pas d’un contrat distinct du contrat de marché public, mais intervient en règlement du marché public, fût-ce au terme d’une transaction. Dès lors, en cas de retard de paiement, s’appliquent à cette somme, jusqu’à son paiement effectif, les intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, sans que la signature de la transaction puisse y faire obstacle, et non les intérêts moratoires au taux légal prévus par les dispositions du code civil.
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ENVIRONNEMENT
CE, 30 septembre 2025, association Sea Shepherd France et autres, n° 493813, aux Tables
Autorisation environnementale - régime applicable - abrogation
L’abrogation d’une autorisation environnementale est régie par les dispositions spéciales du code de l’environnement
Le Conseil d’État, constatant que les dispositions du code de l’environnement applicables aux autorisations environnementales régissent spécialement l’abrogation et la modification de ces autorisations, a jugé que les dispositions de l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration, relatives à l’abrogation de droit commun, ne peuvent être utilement invoquées à l’encontre de la décision rejetant une demande tendant à l’abrogation d’une telle autorisation.
Dans ce cadre, il rejette la requête des associations tendant à l’annulation de la décision refusant de faire droit à leur demande d’abrogation de l’autorisation environnementale du parc éolien en mer de Saint-Brieuc, présentée sur le fondement de l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration.
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CE, 30 septembre 2025, Association préservons la forêt des Colettes et autres, n° 497567, au Recueil
Dérogation Espèces Protégées - Projet d’intérêt national majeur (PINM) – Reconnaissance anticipée d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM)
Le Conseil d’Etat valide la reconnaissance anticipée d’une raison impérative d’intérêt public majeur pour un projet d’intérêt national majeur
L’article 19 de la loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte est venu compléter l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement en permettant à l’administration, à l’occasion d’un décret qualifiant un projet industriel de projet d’intérêt national majeur (PINM), au sens de l’article L. 300-6-2 du code de l’urbanisme, de reconnaître de manière anticipée que ce projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), qui constitue l’une des trois conditions cumulatives nécessaire pour l’octroi d’une dérogation
« espèces protégées » au sens de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Cette reconnaissance anticipée peut être contestée uniquement à l’appui d’un recours dirigé contre le décret.
Saisi par plusieurs associations et particuliers d’un recours contre le décret du 5 juillet 2024 qualifiant le projet
« Emili » d’extraction et de transformation de lithium de la société Imerys dans l’Allier de PINM et lui reconnaissant une RIIPM, le Conseil d’Etat a précisé qu’un tel décret :
- n’est pas soumis à l’obligation de motivation, n’ayant pas pour objet d’accorder, par lui-même, une dérogation « espèces protégées » ;
- ne constitue pas un plan ou programme au sens du code de l’environnement, de sorte qu’il n’est pas soumis à évaluation environnementale ;
- ne nécessite pas de faire l’objet d’une participation du public, dès lors qu’il n’est pas susceptible, par lui-même, d’avoir une incidence directe et significative sur l’environnement.
Par ailleurs, ainsi que l’a mentionné le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2024-1126 QPC du 5 mars 2025 déclarant conforme à la Constitution le second alinéa de l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat rappelle qu’un tel décret n’a pas pour objet d’exempter le porteur de projet de satisfaire aux deux autres conditions cumulatives nécessaires à l’octroi d’une dérogation « espèces protégées ».
Enfin, il juge qu’en l’espèce, le projet « Emili » répond bien à une RIIPM dans la mesure où celui-ci prévoit la production de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium pendant au moins 25 ans, permettant la contribution d’une part aux objectifs nationaux visant à sécuriser l’approvisionnement national en lithium, réduire les importations depuis des pays tiers et développer la fabrication de batteries électriques et, d’autre part, à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne en matière énergétique et industrielle, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques.
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CE, 30 septembre 2025, Société Parc éolien du Mirebalais, n° 492891, aux Tables
Autorisation environnementale (ICPE) – Atteinte à la conservation d’un monument – Impact du projet sur les vues offertes depuis le monument – Monument accessible ou fermé au public
Visibilité d’un parc éolien depuis un monument historique : précisions jurisprudentielles
Le Conseil d’État précise la manière dont l’administration et le juge administratif doivent apprécier les atteintes visuelles portées à un monument historique, en termes de visibilité des éoliennes depuis le monument, en particulier dans l’hypothèse où ce dernier est fermé au public.
En 2021, le préfet de la Vienne a délivré une autorisation unique pour l’exploitation d’un parc de sept éoliennes sur le territoire de la commune de Thurageau. Par un arrêt du 27 février 2024, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé cette décision au motif que le projet porte une atteinte excessive à la conservation des sites et monuments, dès lors notamment que les photomontages produits, représentant la vue depuis le château de Rochefort, montrent que les éoliennes sont directement visibles depuis le monument.
Saisi par le pétitionnaire, le Conseil d’Etat juge que, pour apprécier l’impact visuel du projet sur la conservation d’un monument, il y a lieu de prendre en compte l’impact de l’installation sur les vues portées sur le monument en cause mais aussi, le cas échéant, son impact sur les vues offertes depuis le monument. Sur ce point, le Conseil d’Etat précise, d’une part, qu’il ne doit être tenu compte que des vues offertes depuis les points normalement accessibles du monument, c’est-à-dire ceux ouverts au public, et dont la qualité est telle qu’elles participent effectivement de la conservation de celui-ci. D’autre part, si la fermeture au public du monument ne fait pas obstacle à ce que de telles vues soient prises en considération, il appartient toutefois à l’administration et au juge de tenir compte de cette dernière circonstance dans l’appréciation de l’intérêt qui s’attache à la conservation du monument. Ainsi, comme le relève le rapporteur public, la circonstance que des éoliennes soient visibles depuis un monument historique ne saurait suffire à justifier à elle-seule un refus ou une annulation d’autorisation.
Le Conseil d’Etat censure donc l’arrêt de la cour pour erreur de droit parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait que le monument, exploité pour une activité de chambre d’hôtes, est fermé au public et n’a pas caractérisé en quoi la vue depuis le château serait d’une qualité telle qu’elle participerait de sa préservation.
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CAA Paris, 3 septembre 2025, Association Notre Affaire à Tous, n°s 23PA03881-23PA03883-23PA03895
Produits phytopharmaceutiques - Méthodologie d’évaluation des risques -
Principe de précaution - Préjudice écologique
Responsabilité de l’État pour le préjudice écologique causé par l’insuffisance des procédures d’évaluation des pesticides
Dans un arrêt du 3 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur l’existence d’un préjudice écologique lié à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et sur les carences et insuffisances alléguées de l’Etat en matière d’évaluation et de suivi de ces produits.
Cinq associations de protection de l’environnement ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l’Etat à réparer le préjudice écologique causé par ses carences et insuffisances alléguées en matière d’évaluation des risques, d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, de réexamen des autorisations et de protection de la biodiversité contre les effets de ces produits, et de lui enjoindre de prendre toutes les mesures utiles de nature à faire cesser le préjudice dans le délai le plus court possible.
Par un jugement n° 2200534 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a reconnu l’existence d’un préjudice écologique et enjoint à l’Etat de prendre, avant le 30 juin 2024, « toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution. »
La cour administrative d’appel de Paris, dans l’arrêt commenté, a d’abord jugé que la voie d’action en réparation du préjudice écologique instaurée par les dispositions des articles 1246 et suivants du code civil est recevable contre l’administration, sur le fondement de ces dispositions, devant le juge administratif. L’arrêt confirme ainsi explicitement cette solution sur laquelle les textes comme la jurisprudence ne laissaient guère place au doute.
La cour a ensuite confirmé l’appréciation du tribunal quant à l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, consistant en une atteinte diffuse, chronique et durable des sols et des eaux, ainsi qu’en un déclin de la biodiversité et de la biomasse et en une atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement.
Concernant la faute de l’Etat, la cour reconnaît la carence de l’État dans la procédure d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, au motif de l’absence de prise en compte systématique par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail des données scientifiques disponibles les plus récentes, carence qui contribue à aggraver le préjudice écologique.
Contrairement au tribunal, la cour juge en revanche que, les plans Ecophyto étant dénués de tout effet contraignant, aucune faute de l’État tirée de leur méconnaissance ne peut être reconnue.
Il est en conséquence enjoint à l’État, « sur le fondement de l’article 1252 du code civil, de mettre en œuvre une évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques à la lumière du dernier état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui concerne les espèces non-ciblées, conforme aux exigences du règlement européen du 21 octobre 2009, et de procéder, le cas échéant, au réexamen des autorisations de mises sur le marché déjà délivrées et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme à ces exigences, et ce dans un délai de vingt-quatre mois. »
Un pourvoi en cassation contre cet arrêt a été introduit.
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ENVIRONNEMENT - AGRICULTURE - PROCEDURE CONTENTIEUSE
CE, 5 novembre 2025, Conseil national des barreaux, n°495902, inédit
Procédure contentieuse – ouvrages hydrauliques agricoles et ICPE en matière d’élevage –autorisations environnementales
Le Conseil d’Etat valide de nouvelles adaptations à la procédure contentieuse relative aux décisions prises sur le fondement du code de l’environnement
Le décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement en matière d’élevage et aux autorisations environnementales vise à raccourcir le temps des procédures juridictionnelles concernant certaines activités agricoles relevant du code de l’environnement.
Pour atteindre cet objectif, le décret attribue une compétence de premier et dernier ressort au tribunal administratif de Paris pour statuer sur les décisions relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles et confie aux tribunaux administratifs une compétence en premier et dernier ressort pour statuer sur les décisions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement destinées à certaines activités d’élevage. Pour ces ouvrages et installations agricoles, le décret institue un dispositif de cristallisation des moyens ainsi qu’une obligation de notification des recours et prévoit que le tribunal doit juger en dix mois. Pour l’ensemble des autorisations environnementales, le décret réduit le délai de recours des tiers de quatre à deux mois.
Saisi par le Conseil national des barreaux, le Conseil d’Etat a confirmé la légalité de ce décret.
S’agissant de la compétence en dernier ressort des tribunaux administratifs, le Conseil d’Etat rappelle qu’aucun texte ni principe ne consacre l’existence d’une règle de double degré de juridiction qui interdirait au pouvoir réglementaire de prévoir des cas dans lesquels les jugements sont rendus en premier et dernier ressort. Celui-ci doit seulement, dans l’exercice de cette compétence, définir les litiges concernés selon des critères objectifs afin de garantir le respect du principe d’égalité entre les justiciables, et agir dans la finalité d’une bonne administration de la justice. En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que les dispositions du décret du 10 mai 2024 identifient de façon suffisamment précise et objective les litiges concernés et visent à réduire les délais dans lesquels une solution définitive est apportée aux contentieux relatifs aux projets hydrauliques agricoles et aux projets d’élevages en cause.
Le Conseil d’Etat a également validé l’extension, pour les décisions relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles et à certaines installations d’élevage, du mécanisme de cristallisation des moyens prévu par l’article R. 611-7-2 du code de justice administrative, qui concourt à assurer la célérité et l’efficacité de la procédure juridictionnelle, et de l’obligation de notification des recours à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire, qui poursuit un objectif de sécurité juridique.
Enfin, s’agissant de la réduction de quatre à deux mois du délai de recours contre l’ensemble des autorisations environnementales, le Conseil d’Etat relève qu’en choisissant d’appliquer à ces décisions le délai de recours de droit commun prévu par l’article R. 421-1 du code de justice administrative, le pouvoir règlementaire n’a pas porté atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif ni au droit à un procès équitable.
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ENVIRONNEMENT - CHASSE
CE, 2 octobre 2025, n° 507724 et n° 507945
Chasse – Appréciation concrète de l’urgence à suspendre l’exécution d’un arrêté fixant le plafond de prélèvement d’une espèce
Le CE rejette les requêtes sollicitant la suspension de l’arrêté du 17 août 2025 encadrant la chasse de certains oiseaux
En application des articles L. 425-14, R. 425-18 et R. 425-20 du code de l’environnement, le ministre chargé de la chasse a fixé des plafonds de prélèvement maximal autorisé pour plusieurs espèces d’oiseaux par arrêté du 27 août 2025. Les associations One Voice et LPO ont demandé au Conseil d’État de suspendre l’exécution de cet arrêté en tant que le ministre n’a pas fait usage des articles L. 424-1 et R. 424-14 du même code lui permettant de suspendre, au regard de l’état de conservation des espèces, la chasse de la caille des blés, du canard siffleur, de la grive mauvis, du canard pilet, du canard souchet, de la sarcelle d’hiver, du fuligule milouin, du fuligule morillon et de la sarcelle d’été.
Le Conseil d’État rejette ces requêtes en raison de l’absence d’urgence. Appréciant concrètement et globalement cette dernière, il relève que la migration de la caille des blés se termine à la fin du mois de septembre, de sorte que l’urgence ne peut être caractérisée avant l’ouverture de la saison 2026-2027. Pour les autres espèces, le Conseil d’État relève que les mesures de gestion définies ne sont pas de nature à porter une atteinte grave et immédiate à leur conservation et ainsi à caractériser une situation d’urgence justifiant leur suspension.
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ENVIRONNEMENT - CLIMAT
CE, 24 octobre 2025, Commune de Grande Synthe et autres, n°467982, publiée au recueil
Climat – Accord de Paris – Paquet énergie-climat – Article L. 100-4 du code de l’énergie – Objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre – Exécution des décisions de justice
Le Conseil d’Etat clôt le contentieux « Grande Synthe » en jugeant que les résultats déjà obtenus et les mesures prises par le Gouvernement permettront d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030
L’affaire
« commune de Grande-Synthe » est le premier contentieux climatique dont le Conseil d’État a été saisi. Dans ce cadre, il avait ordonné au Gouvernement,
le 1er juillet 2021, de prendre, d’ici le 31 mars 2022, toutes les mesures permettant d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de - 40% en 2030 par rapport à leurs niveaux de 1990, afin de respecter les objectifs alors fixés dans le droit français (article L. 100-4 du code de l’énergie), européen (paquet énergie-climat) et international (Accord de Paris).
Le 10 mai 2023, après avoir estimé qu’il n’était pas encore garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre permettant d’atteindre cet objectif puisse être effectivement respectée, il avait ordonné au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024, et de lui transmettre un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité.
Dans sa décision du 24 octobre 2025, le Conseil d’État constate d’abord, au vu des éléments transmis par le Gouvernement, qu’à la date à laquelle il se prononce, les objectifs intermédiaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la période 2019-2025, tels qu’ils résultent du deuxième et du troisième budget carbone de la deuxième stratégie nationale bas-carbone, ont été respectés.
Ensuite, il relève que le Gouvernement a, postérieurement à l’intervention des décisions du 1er juillet 2021 et du 10 mai 2023, adopté ou engagé un ensemble significatif et diversifié de mesures dans l’objectif d’accélérer le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les principaux secteurs émetteurs, qui ont été accompagnées de la mise en œuvre d’une territorialisation de la planification écologique et de financements conséquents.
Au vu de ces éléments, le Conseil d’Etat considère que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé, pour 2030, à - 40 % par rapport à 1990, peut être regardé comme raisonnablement atteignable. Par suite, dès lors que des éléments suffisamment crédibles et étayés, notamment le scénario prospectif de projection réalisé par le Gouvernement, permettent de regarder la trajectoire d’atteinte de ces objectifs comme respectée, il conclut que ses décisions du 1er juillet 2021 et du 10 mai 2023 doivent être regardées comme entièrement exécutées.
Le Conseil d’État souligne toutefois qu’en tant que juge de l’exécution de ses décisions de 2021 et 2023, il ne se prononce pas sur le respect, par la France, des nouveaux objectifs, plus exigeants, de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par les textes adoptés au niveau européen en 2023 (- 55% d’ici à 2030), qui ne sont pas l’objet du présent contentieux et dont il réserve la prise en compte dans le cadre d’éventuels contentieux climatiques à venir.
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ENVIRONNEMENT - COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE
TC, 6 octobre 2025, Mader Colors, n° C4356, au Recueil
ICPE – Liquidation judiciaire - Consignation d’une somme par le préfet – Règlement des créances – Procédures collectives – Compétence du juge judiciaire
Lorsque le liquidateur d’une installation classée entend contester, au regard des règles propres à la procédure collective, le paiement d’une consignation prise sur le fondement de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, le juge judiciaire est seul compétent pour en connaitre
La société Mader Colors, qui exerçait une activité relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement avant son placement en liquidation judiciaire, s’est vue imposer, par le préfet du Pas-de-Calais, de procéder à des travaux de réhabilitation de son ancien site afin de remédier à la pollution l’affectant. Constatant que la mise en demeure de réaliser les travaux était restée sans effet, le préfet a, par un arrêté du 11 juillet 2023, ordonné à la société la consignation d’une somme correspondant au coût des travaux de réhabilitation du site en application de l’article L. 171-8 du code de l’environnement.
Le liquidateur de la société a contesté l’arrêté de consignation devant le tribunal administratif de Lille, et a, en outre, saisi le juge-commissaire du tribunal de commerce d’Arras pour être autorisé à ne pas assurer le paiement de la consignation, en se prévalant des dispositions du code de commerce sur le règlement des créances des sociétés placées en liquidation judiciaire.
Après un déclinatoire de compétence rejeté par la cour d’appel de Douai, le préfet a élevé le conflit devant le Tribunal des conflits, chargé de régler les questions de compétences entre les juridictions administrative et judiciaire.
Le Tribunal vient préciser sa jurisprudence en matière de procédure collective au regard des dispositions législatives applicables aux installations classées, en jugeant que si la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations relatives aux mesures de consignation prises en vertu de l’article L. 171-8 du code de l’environnement et aux états exécutoires pris pour leur application, en revanche, « le tribunal de la procédure collective est, quelle que soit la nature des créances en cause, seul compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en œuvre des règles propres à la procédure collective ».
En l’espèce, le Tribunal considère que la demande du liquidateur, en ce qu’elle conteste le paiement de la consignation ordonnée par le préfet « au regard des règles régissant le règlement des différentes créances des entreprises en liquidation judiciaire », porte sur la mise en œuvre des règles propres à la procédure collective et relève donc de la compétence de la seule juridiction judiciaire.
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FONCTION PUBLIQUE
CE, 16 octobre 2025, service des retraites de l’Etat, n°493909, au Recueil
Fonctionnaires et agents publics – détachement – retraite - limite d’âge applicable
Précisions sur la limite d’âge de départ à la retraite des fonctionnaires et agents publics en détachement
L’âge de départ à la retraite est une constante de l’actualité, la plupart du temps concernant l’âge à partir duquel les salariés et agents publics peuvent en bénéficier. Se pose toutefois, et bien plus fréquemment que l’on ne le pense, la question de l’âge à partir duquel les agents doivent obligatoirement partir à la retraite.
En principe, et sauf dérogations prévues par les textes, cette « limite d’âge » est fixée à 67 ans pour les agents publics de catégorie « sédentaires », qui représente la grande majorité des emplois publics. En revanche, les agents de catégorie active, super-active, ou certains personnels sous statut militaire se voient imposer des limites d’âge inférieures à 67 ans, et sont donc tenus de partir à la retraite avant cet âge.
Amené à trancher une question portant sur la limite d’âge à appliquer à un agent de catégorie active placé en détachement sur un emploi rattaché à la catégorie sédentaire, le Conseil d’Etat rappelle d’abord qu’il résulte des dispositions de l’article 33 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 que la limite d’âge applicable au fonctionnaire détaché dans un emploi conduisant à pension du régime de retraite des fonctionnaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est celle, lorsqu’elle existe, de cet emploi. Il en déduit qu’alors même que l’agent en détachement a atteint la limite d’âge du corps auquel il appartient, celui-ci peut être maintenu en détachement au plus tard jusqu’à ce qu’il atteigne la limite d’âge de son emploi d’accueil. Enfin, l’agent peut, en outre, si les conditions sont réunies, bénéficier d’un maintien en activité au-delà de la limite d’âge de cet emploi.
Dès lors, un fonctionnaire de catégorie active détaché dans un corps lui permettant d’occuper un emploi de catégorie sédentaire peut, sans préjudice des possibilités de prolongations d’activité, être maintenu en détachement dans ce corps jusqu’à 67 ans, même si les règles applicables à ses emplois et corps d’origine prévoient une limite d’âge inférieure.
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CE, 17 octobre 2025, Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT c/ Premier ministre, n°495899, aux Tables
Fonction publique - report congés annuels - Information de l’agent
Le Conseil d’État précise les conditions d’extinction du droit au report des congés annuels non pris du fait de congés pour raisons de santé ou liés à des responsabilités parentales ou familiales
Les dispositions du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’Etat, telles que modifiées par le décret du 21 juin 2025, prévoient que l’agent public qui a été dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l’année en raison d’un congé pour raisons de santé ou lié aux responsabilités parentales ou familiales, bénéficie d’une période de report de ses congés de quinze mois, dans la limite de quatre semaines, ou peut prétendre à l’octroi d’une indemnité compensatrice lorsque, pour ces mêmes motifs, il n’a pas été en mesure de prendre ses congés annuels avant la fin de la relation de travail. (cf. Angle droit 2025 n°4)
L’Union fédérale des syndicats de l’État-CGT estimait toutefois le décret du 26 octobre 1984 (dans ses versions précédentes et actuelle) incompatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, notamment en ce qu’il ne prévoyait aucune obligation, pour l’administration, d’informer les agents de leurs droits à report de congés ou à indemnisation.
Se prononçant sur ce point, le Conseil d’Etat rappelle qu’en application de l’article 7 de cette directive telle qu’interprétée par la CJUE (ex : CJUE, 6 novembre 2018, Max Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, n°C-684/16) « l’extinction de ces droits [au report de congés annuels ou au bénéfice de l’indemnité] à l’expiration de la période de référence (…) [n’est] possible qu’à la condition que le travailleur ait effectivement été mis en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé ». La juridiction en tire les conséquences en précisant qu’ « il incombe à l’employeur d’informer [l’agent], de manière précise et en temps utile, des conditions dans lesquelles il risque de perdre ses droits à congés ».
Le Conseil d’Etat juge ainsi que les dispositions des articles 1er et 5 du décret du 26 octobre 1984 sont incompatibles avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 en tant que ces dispositions ne subordonnent pas l’extinction du droit au report des congés annuels non pris ou à indemnisation en fin de relation de travail, à l’information de l’agent par l’employeur sur l’étendue de ses droits.
Saisi sur un autre point plus contextuel, le Conseil d’Etat juge également que les autorisations spéciales d’absence accordées lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 n’ouvrent pas de droit à un report des congés annuels ou à une indemnité compensatrice.
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TRANSPORTS
Conseil d’Etat, 10 novembre 2025, M. H., n° 496921, inédit
Véhicules – Certificat qualité de l’air « Crit’air » – Pollution atmosphérique
Vignette Crit’Air : le Conseil d’État valide l’arrêté qui encadre le dispositif
L’arrêté du 21 juin 2016, qui définit les critères d’attribution de la vignette Crit’Air, est validé par le Conseil d’Etat.
Cet arrêté, établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques, pris en application du code de la route, fixe en effet les conditions permettant l’identification de certains véhicules à moteur au moyen d’une vignette sécurisée appelée « certificat qualité de l’air » (Crit’air) et détermine un classement des véhicules en fonction de leur catégorie, de leur motorisation, ainsi que de la norme de pollution européenne dite norme « Euro ». Cet arrêté a été modifié à plusieurs reprises, essentiellement pour tenir compte des innovations relatives aux sources d’énergie et carburants.
L’enjeu du litige portait notamment sur le fait de savoir si le recours à la norme Euro respectait les dispositions du code de la route selon lesquelles « les véhicules à moteur font l’objet d’une identification fondée sur leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique et sur leur sobriété énergétique ».
Le Conseil d’Etat juge que la norme Euro, qui reflète les limites acceptables d’émissions de gaz et particules d’échappement de véhicules automobiles neufs vendus au sein de l’Union européenne, a permis de rendre progressivement plus rigoureuses les règles applicables à l’ensemble des véhicules à moteurs et que son application conduit à faire bénéficier d’une meilleure classification les véhicules dont la consommation de carburant est en moyenne plus faible. Ainsi, le Conseil d’Etat reconnaît que l’abaissement progressif du niveau d’émissions polluantes des nouveaux véhicules, qu’impose le respect de cette norme, a pour conséquence une plus grande sobriété énergétique des véhicules en lien avec l’amélioration des technologies utilisées et que le critère de sobriété énergétique est bien pris en compte. Dès lors, l’arrêté en cause est conforme aux dispositions applicables et n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
Cette décision est importante, en particulier car la vignette Crit’Air est une pièce centrale du fonctionnement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
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TA de Cergy-Pontoise, 30 octobre 2025, n°2316626, n°2400516-2401903
et n°2407332 (3 jugements)
Transports - Véhicules – Surveillance du marché des véhicules à moteur – Emissions de particules
Non-conformité aux normes d’émissions d’oxydes d’azote de véhicules en circulation
Par trois jugements du 30 octobre 2025, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejette les premières requêtes dirigées contre les décisions du service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM) dans l’exercice de sa mission de police spéciale de contrôle des véhicules en circulation, en raison de la non-conformité de certains modèles de véhicules aux normes d’émissions d’oxydes d’azote (NOX).
Afin notamment de prévenir l’utilisation par certains constructeurs de techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes lors des tests, le règlement (UE) 2018/858 du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules a renforcé la surveillance du marché des véhicules à moteur.
Cette surveillance, encadrée par les articles L. 329-1 et suivants et R. 329-1 et suivants du code de la route, consiste en des prélèvements et des tests de véhicules, systèmes, composants, entités techniques distinctes, pièces et équipements afin d’analyser leur conformité à la règlementation applicable à leur mise sur le marché.
Les tests effectués sur les véhicules prélevés des trois constructeurs requérants ayant révélé des valeurs d’émissions de NOX supérieures à la limite de 80 mg/km, le SSMVM leur a imposé des mesures de rappel et de mise en conformité.
A l’appui de leur recours, les constructeurs soutenaient principalement que les décisions du SSMVM ne respectaient pas les dispositions de l’article R. 329-10 du code de la route relatives au nombre d’échantillons à contrôler.
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que les dispositions de l’article 8 du règlement (UE) n°2018-858 « ne font pas par principe obstacle à ce que l’échantillon réuni pour tester la conformité d’un véhicule donné soit composé d’une unique unité, sous réserve que dans un tel cas, au regard de ses caractéristiques particulières, le véhicule en circulation effectivement contrôlé puisse être considéré, pour une opération de contrôle donnée, comme suffisamment représentatif des autres véhicules de même caractéristiques (…) en circulation sur le territoire français ».
Le tribunal a jugé en l’espèce, d’une part, que chaque véhicule testé constituait, compte tenu de ses caractéristiques, un échantillon représentatif au sens des dispositions précitées du règlement européen et, d’autre part, que les sociétés, qui ont bien été mises en mesure de contester la représentativité de chacun des véhicules contrôlés, ont bénéficié des garanties procédurales attendues.
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URBANISME
CE, avis du 18 juillet 2025, Société AIC Terra Bianca, n° 502801, aux Tables
Urbanisme - Contributions et taxes - Assainissement collectif
Cumul de financement pour l’assainissement
Une société, titulaire d’un permis de construire pour la réalisation d’un immeuble collectif d’habitation, a demandé à être déchargée du paiement de la participation pour le financement de l’assainissement collectif, au motif qu’elle ne pourrait s’appliquer cumulativement avec la majoration pour financement de réseaux publics d’assainissement de la part communale de la taxe d’aménagement
Le Conseil d’Etat précise d’abord que la participation au financement de l’assainissement collectif, qui est une redevance due lors du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées, vise à tenir compte de l’économie réalisée par les propriétaires d’immeubles en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle, tandis que la taxe d’aménagement, perçue à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, a pour objet le financement de la réalisation des objectifs d’urbanisme de la commune. La majoration de la part communale de cette taxe est par ailleurs limitée, tant dans son montant que géographiquement, puisqu’elle ne concerne que les secteurs de la commune où l’importance des constructions nouvelles rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics, et dans la seule mesure nécessaire pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans ces secteurs.
Le Conseil d’Etat estime en conséquence que la taxe et la participation sont cumulables dès lors qu’elles n’ont pas le même objet, ne sont pas perçues au même moment et qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce cumul.
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URBANISME ET AMENAGEMENT
CE, 19 septembre 2025, Société Montfort Force Unie, n° 470356, aux Tables et n° 476185, Commission nationale d’aménagement commercial, inédit.
Aménagement commercial – critères de développement durable – contrôle des commissions d’aménagement commercial s’agissant des bâtiments existants
En cas d’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail, le contrôle par la commission d’aménagement commercial du respect des critères fixés par l’article L. 752-6 du code de commerce s’effectue de manière globale
Par deux décisions du même jour, le Conseil d’Etat juge que le contrôle du respect des objectifs prévus par les dispositions du I de l’article L. 752-6 du code de commerce en matière d’aménagement du territoire et de développement durable s’effectue de manière globale, sur l’ensemble des bâtiments, équipements et installations existants. Il précise en outre qu’il en va ainsi même lorsque l’extension de la surface de vente ne requiert aucune modification extérieure de ces bâtiments, ou lorsque le projet vise, même sans créer des surfaces supplémentaires, à regrouper des surfaces de vente existantes.
En conséquence, le Conseil d’Etat censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles qui avait annulé la décision de la commission nationale d’aménagement commercial en jugeant que celle-ci ne pouvait tenir compte, pour apprécier la régularité d’un projet d’extension de la surface de vente d’un magasin, de l’imperméabilisation des sols résultant du projet original mais devait limiter son contrôle aux seules parties modifiées par le projet qui lui était soumis.
Inversement, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes qui avait pour sa part rejeté la requête d’une société qui souhaitait regrouper deux magasins et qui avait obtenu un avis défavorable de la commission départementale d’aménagement commercial, puis de la commission nationale, en considérant que l’impact du projet devait être regardé dans sa globalité et que celui-ci n’apportait pas d’amélioration significative à l’espace commercial existant en particulier s’agissant du critère de lutte contre l’imperméabilisation des sols et de préservation de l’environnement.
Par ces deux décisions le Conseil d’Etat donne ainsi toute sa portée aux dispositions de loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, qui prévoyait, sans plus de précision, que les critères relatifs à la qualité environnementale d’un projet et à son insertion paysagère et architecturale s’appliquent aux bâtiments existants (art 49 de la loi).
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CE, 30 septembre 2025, sociétés La Belle Etoile et Ceetrus, département du Val-d’Oise et autres, n°s493869, 493876, 493879, 493885, inédit
Actes à caractère décisoire - Responsabilité de la puissance publique - Promesse non tenue
La responsabilité de l’Etat pour faute définitivement écartée à la suite de l’abandon du projet de complexe commercial et de loisirs EuropaCity
Par une décision du 30 septembre 2025, le Conseil d’Etat a rejeté l’ensemble des requêtes présentées par le département du Val-d’Oise, la communauté d’agglomération Roissy Pays de France, la commune de Gonesse et différentes sociétés privées à la suite de l’abandon du projet EuropaCity.
L’entreprise Auchan avait en effet souhaité développer un projet d’aménagement, dénommé « EuropaCity », situé sur une portion non urbanisée du territoire de la commune de Gonesse, dite « triangle de Gonesse », consistant en un ensemble de bâtiments destinés à des activités commerciales et de loisirs sur une surface de 800 000 mètres carrés. Afin de permettre la réalisation de ce projet, le 21 septembre 2016, le préfet du Val-d’Oise avait adopté un arrêté portant création de la zone d’aménagement concerté (ZAC) « triangle de Gonesse » d’une surface de 299 hectares puis, le 20 décembre 2018, un arrêté déclarant d’utilité publique au profit de l’établissement public foncier d’Ile-de-France le projet d’aménagement du triangle de Gonesse.
Toutefois, à l’issue du conseil de défense écologique du 7 novembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire avait indiqué que l’Etat ne souhaitait pas que le projet EuropaCity se poursuive.
Par deux requêtes successives, la société La Belle Etoile, le département du Val-d’Oise, la communauté d’agglomération Roissy Pays de France et la commune de Gonesse sollicitaient l’annulation pour excès de pouvoir de la déclaration de la ministre. Le Conseil d’Etat rejette ces requêtes comme irrecevables en considérant que cette annonce était, par elle-même, dépourvue d’effets juridiques directes et donc qu’elle ne pouvait être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir.
En parallèle, par deux autres requêtes, les sociétés La Belle Etoile et Alliages et Territoires demandaient la condamnation de l’Etat et de l’établissement public Grand Paris Aménagement à l’indemnisation du préjudice qu’elles estiment avoir subi du fait de cet abandon. Elles soutenaient principalement que la responsabilité de l’Etat pour faute devait être reconnue en raison de promesses non tenues. Toutefois, le Conseil d’Etat écarte l’argumentation des sociétés requérantes et juge que ni les différentes prises de position de responsables publics en faveur du projet EuropaCity, qui se bornaient à manifester un encouragement de l’Etat au projet, ni les arrêtés portant création de la ZAC et déclarant d’utilité publique le projet « ne peuvent être regardés comme constitutifs de promesses de la part de l’Etat quant à la réalisation du projet porté par les sociétés requérantes » qui seraient de nature à ouvrir un droit à indemnité faute d’avoir été tenues.
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