Droit administratif général
CE, 21 mars 2024, Région Auvergne-Rhône-Alpes c/ MTECT, n° 475310, aux tables
Pouvoir règlementaire – Absence de compétence ministérielle pour définir les conditions d’une aide du seul fait de la mise à disposition des crédits par la loi de finances et le décret de répartition – Conclusions contestant le refus d’étendre le champ d’un acte incompétemment édicté – Rejet des conclusions
À acte incompétent, refus d’étendre ne nuit
Les inscriptions budgétaires de dépenses des lois de finances et des décrets de répartition ont uniquement pour objet et pour effet d’ouvrir à l’administration les crédits nécessaires aux mesures qui relèvent de sa compétence, et non d’attribuer aux ministres une compétence pour prendre celles-ci. Par conséquent, l’arrêté ministériel précisant les conditions d’attribution d’une aide est entaché d’incompétence. Ce vice ne peut toutefois conduire à son annulation lorsqu’elle est demandée en tant seulement que l’arrêté n’étend pas la liste des bénéficiaires de cette aide.
Afin de permettre aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de faire face à la hausse des prix de l’énergie, le ministre délégué en charge des transports a annoncé, en décembre 2022, la mise en place d’une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros pour les AOM hors Île-de-France. Cette annonce a été suivie d’un amendement au projet de loi de finances pour 2023 augmentant les crédits du programme 203 « infrastructures et services de transports » d’une somme de 300 millions d’euros. Un arrêté ministériel du 18 avril 2023 a ultérieurement défini les conditions et modalités d’attributions de l’aide.
La région Auvergne-Rhône-Alpes a initialement demandé au Conseil d’État l’annulation, dans son ensemble, de cet arrêté. Avant l’audience, la région requérante a toutefois restreint le périmètre de ses conclusions, afin de ne demander l’annulation de l’arrêté qu’en tant qu’il n’ouvrait pas le champ de l’aide aux régions.
Le Conseil d’État, après avoir relevé d’office le moyen, a retenu l’incompétence du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministre délégué chargé des transports. En effet, dès lors que « les inscriptions budgétaires de dépenses des lois de finances et des décrets de répartition ont uniquement pour objet et pour effet d’ouvrir à l’administration les crédits nécessaires aux mesures qui relèvent de sa compétence, et non d’attribuer aux ministres une compétence pour prendre celles-ci », ni la loi de finances pour 2023, ni son décret de répartition ne conféraient une compétence aux ministres pour définir les conditions et modalités d’attribution d’une aide aux AOM.
Néanmoins, au regard du nouveau périmètre des conclusions de la requérante, le Conseil d’État ne peut que rejeter la requête. Ne pouvant statuer ultra petita, la Haute juridiction ne peut en effet annuler l’arrêté dans son ensemble. En outre, dès lors que les ministres signataires sont incompétents pour adopter l’arrêté contesté, ils ne pouvaient en tout état de cause étendre en ce sens le champ de l’aide.
***
Energie
CE, 12 avril 2024, Conférence des bâtonniers de France et Fédération nationale des unions de jeunes avocats, nos 470092, 470120, aux Tables
Régime contentieux dérogatoire au droit commun – Délai de jugement sous peine de dessaisissement – Egalité des citoyens devant la justice
Poursuivant l’objectif de sécuriser l’approvisionnement du pays en énergie et de lutter contre le dérèglement climatique, les pouvoirs législatif et règlementaire ont œuvré, ces dernières années, à l’accélération des projets de développement des énergies renouvelables. Ce mouvement a atteint les règles du contentieux administratif, afin de réduire la durée que peut représenter un procès fait à un acte administratif permettant la réalisation de tels projets. C’est ainsi que les cours administratives d’appel et le Conseil d’État se sont vus confier la compétence en premier et dernier ressort pour connaître respectivement des litiges portant sur les décisions nécessaires à l’implantation des projets éoliens terrestres (article R. 311-5 du code de justice administrative) et des projets éoliens en mer (article L. 311-13 du même code).
Dans ce contexte, un décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 instaure, pendant quatre ans, des règles spéciales en matière de contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie renouvelable, hors énergie éolienne (méthanisation, photovoltaïque, géothermie et hydroélectricité d’une certaine importance). Ce décret, dont les dispositions ont été codifiées à l’article R. 311-6 du code de justice administrative (CJA), prévoit non pas des règles spéciales de compétence mais une obligation pour chaque niveau de juridiction de statuer dans un délai de dix mois, sous peine de dessaisissement au profit du juge supérieur. Il fixe également, pour toutes les décisions qu’il liste, un délai de recours contentieux de deux mois ne pouvant être prorogé par l’exercice d’un recours administratif.
Le Conseil d’État rejette les requêtes dirigées contre ce décret.
Les critiques les plus nombreuses portaient sur l’instauration d’un délai de jugement sous peine de dessaisissement. Un tel régime, s’il existe déjà en contentieux électoral et en matière de recours contre les plans de sauvegarde de l’emploi, demeure exceptionnel et doit être justifié par un intérêt général suffisant à accélérer la procédure juridictionnelle, eu égard à l’effet d’éviction des autres dossiers qu’il crée. Le Conseil d’État constate en l’espèce que ce régime n’a pas pour effet de supprimer un degré de juridiction et se borne à aménager les délais de jugement, sans priver les justiciables de l’accès à un juge. Il juge par conséquent que les dispositions du décret, qui présentent un caractère temporaire, sont prises dans l’objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de certains types d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, et ne méconnaissent pas le principe d’égalité entre les justiciables. Il écarte également, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.
Le Conseil d’État juge également qu’en prévoyant un délai de recours contentieux de deux mois non susceptible de prorogation, le pouvoir règlementaire n’a pas porté d’atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif.
*
CE, 18 juin 2024, SEDEP, n° 474361, aux Tables
CE, 18 juin 2024, SEC Grand Paris, n° 488823, aux Tables
Certificats d’économies d’énergie - Versement libératoire – Absence de qualification de sanction
Qualification juridique de la décision prononçant une pénalité libératoire à l’encontre d’une société qui n’a pas rempli ses obligations d’économies d’énergie
Le Conseil d’État précise la qualification juridique des décisions par lesquelles l’administration met une somme à la charge d’obligés n’ayant pas produit un volume suffisant de certificats d’économies d’énergie (CEE), sur le fondement de l’article L. 221-4 du code de l’énergie.
Dans ces affaires, les requérants demandaient l’annulation de décisions leur imposant un versement libératoire et des titres de perception pris pour l’application de ces décisions. Ils considéraient en particulier que les garanties procédurales prévues par les dispositions des articles L. 222-3 et L. 222-5 du code de l’énergie, relatives aux sanctions administratives, n’avaient pas été respectées.
Le Conseil d’État juge, dans la décision n° 474361, que le versement libératoire, dont les obligés doivent s’acquitter lorsqu’ils ne respectent pas leurs obligations en matière d’économies d’énergie, est « dépourvu de finalité répressive » et « ne revêt pas la nature d’une sanction ayant le caractère de punition ». C’est en effet une mesure différente « des mesures prévues par les dispositions du chapitre II, intitulé « Les sanctions administratives et pénales », du même titre, prononcées à l’issue de la procédure régie par les dispositions des articles L. 222-3 et L. 222-5, notamment la sanction pécuniaire instituée au 1° de l’article L. 222-2 (…) ».
Dès lors, la décision prononçant une pénalité libératoire sur le fondement de l’article L. 221-4 du code de l’énergie n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 222-5 du code de l’énergie relatif à la procédure de sanction.
Le Conseil d’État juge également, dans la décision n° 488823, que la décision mettant à la charge des obligés un versement libératoire « n’est pas au nombre de celles mentionnées à l’article R. 222-12 du même code pouvant faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État ». En effet, l’article R. 222-12 du code de l’énergie porte sur les décisions du ministre chargé de l’énergie prononçant des sanctions. Le tribunal administratif est par conséquent compétent pour connaître en premier ressort des décisions imposant un versement libératoire.
***
Environnement
CE, 26 avril 2024, One Voice, n° 462884, Inédit
Conditions de détention des animaux vivants d’espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants – Appréciation de la légalité de la décision attaquée à la date de son adoption
Un hippopotame qui se balance sur la toile du recours pour excès de pouvoir
Le Conseil d’État se prononce sur la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier les faits en ce qui concerne une décision administrative individuelle créatrice de droits.
L’association One Voice a saisi le préfet de la Drôme d’une demande d’abrogation d’un arrêté du 24 octobre 2008 autorisant le cirque Muller et son exploitant à détenir et présenter au public un hippopotame dénommé « Jumbo ».
Dans son pourvoi, l’association demandait l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 février 2022 rejetant sa demande, notamment au motif que la cour avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les rapports présentés réalisés postérieurement à la décision attaquée.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi en jugeant que c’est à bon droit que la cour a examiné la légalité de la décision attaquée à la date de son adoption et pas à la date à laquelle la formation de jugement a statué. Ce faisant, bien qu’y ayant été invité par son rapporteur public, il n’applique pas à un nouveau domaine le raisonnement retenu dans ses jurisprudences Américains Accidentels (CE, Ass., 19 juillet 2019, Association des Américains accidentels, n°424216, au recueil) et Confédération paysanne (CE, 7 février 2020, Confédération paysanne, n° 388649, au recueil) relatif à l’appréciation dynamique, par le juge de l’excès de pouvoir, de la légalité des décisions de refus d’abroger ou d’adopter des mesures règlementaires. Si le Conseil d’État a pu, par le passé, étendre ce courant jurisprudentiel à certaines décisions individuelles après un examen au cas par cas (pour le refus d’abroger un décret d’extradition : CE 10 juin 2020, M. E, n° 435348, au recueil ou le refus de récupération d’aides d’État : CE 18 mars 2020, Région Ile-de-France, n° 396651, aux tables), il l’a toujours fait avec une légitime prudence et s’y refuse en cette matière pour conserver un contrôle plus classique.
*
CE, 28 mars 2024, Fédération Patrimoine Environnement LUR-FNASSEM et autres, n° 468573, Inédit
Protection des monuments et sites naturels – Appréciation des données scientifiques, historiques et archéologiques
Gergovie, fin d’une bataille scientifique et juridique
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a, par un décret du 30 août 2022, classé l’ensemble formé par le site de la bataille de Gergovie, les oppida arvernes de Corent, Gergovie et Gondole et les camps de César au titre de l’article L. 341-1 du code de l’environnement. Deux particuliers et une association ont formé un recours contre ce décret, contestant notamment la localisation du site retenu. Selon eux, des études auraient prouvé que le site de la bataille de Gergovie était en réalité situé plus au Nord que le territoire classé.
Le Conseil d’État juge que si les requérants contestent la localisation de la bataille de Gergovie, ils fondent leur argumentation sur des travaux scientifiques isolés alors qu’ « il ressort des pièces du dossier que (…) les auteurs du décret se sont appuyés sur des données historiques et archéologiques dont il apparaît, au vu des éléments produits, qu’elles ne font plus aujourd’hui sérieusement débat au sein de la communauté scientifique ». Ainsi, le classement répond, en l’état des travaux de recherche, au critère d’intérêt historique posé par la loi et le périmètre retenu pour le classement vise à former un ensemble cohérent. Dans ces conditions, le Conseil d’État rejette la requête.
***
Mer
CE, 13 juin 2024, Société Corsica Ferries / Fédération française des pilotes maritimes, n°
470886, aux Tables
Redevance pour service rendu – Tarifs de station de pilotage – Montant proportionné
Qualification des tarifs des stations de pilotage en redevance pour service rendu
Le Conseil d’État juge que les tarifs de pilotage maritime, par lesquels les préfets de région définissent pour chaque station de pilotage le montant de la redevance finançant l’assistance fournie par les pilotes de port aux capitaines pour la conduite des navires à l’entrée et à la sortie des ports, constituent une redevance pour service rendu fixée par le pouvoir règlementaire et non une imposition de toute nature relevant du pouvoir législatif au sens de l’article 34 de la Constitution.
Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil d’État du 28 novembre 2018, n°413839, SNCF Réseau, selon laquelle une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d’une part, que les opérations qu’elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l’État et, d’autre part, qu’elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d’usagers déterminés. L’application d’un taux réduit des tarifs de pilotage aux capitaines de navires ayant une licence de capitaine pilote ne remet pas en cause cette qualification dès lors que la redevance est la contrepartie de la disponibilité du service de pilotage auquel ces capitaines peuvent faire appel à tout moment et non pas le recours effectif à ce service.
Reprenant les critères introduits par la jurisprudence d’assemblée du 16 juillet 2007, n° 293229, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital, le Conseil d’État juge que les tarifs de pilotage ne sont pas d’un montant disproportionné par rapport à la valeur du service. Celui-ci peut intégrer, outre le coût de revient du service ou de la prestation, d’autres paramètres tels que la valeur économique. Parmi les charges de personnel des stations de pilotage figure la « masse partageable » qui comprend les retenues opérées sur les recettes de la station pour l’alimentation des caisses de retraite complémentaires et la rémunération des pilotes. La masse partageable est donc liée au coût du service. Aussi, la cour administrative d’appel de Marseille n’était pas tenue de s’assurer du détail de la masse partageable, le cas échéant en mettant en œuvre ses pouvoirs d’instruction, pour pouvoir apprécier le caractère proportionné des tarifs.
***
Sécurité nucléaire
CE, 26 avril 2024, MTE c/ M. A, n° 465068, aux Tables
CE, 26 avril 2024, MTE c/ M. B, n° 465070, Inédit
Accès à une installation d’importance vitale – Secret de la défense nationale – Pouvoirs du juge
Pouvoirs généraux de direction de la procédure du juge administratif et saisine de la Commission du secret de la défense nationale
Le Conseil d’État précise l’office du juge administratif lorsqu’il met en œuvre la faculté, que lui confère l’article L. 2312-4 du code de la défense, de demander la déclassification et la communication d’informations discutées devant lui couvertes par le secret de la défense nationale. Il juge que la déclassification ne peut être demandée par l’administration, et qu’il n’appartient qu’au juge, lorsqu’il l’estime utile pour le règlement du litige, de demander la saisine de la commission du secret de la défense nationale en vue de la déclassification.
Les deux litiges portés devant le Conseil d’État concernaient les conditions dans lesquelles l’accès à des centrales nucléaires peut être interdit à certaines personnes en raison d’un risque de terrorisme.
Pour juger que les refus d’accès aux centres nucléaires de production d’électricité concernés étaient entachés d’illégalité, faute pour l’administration d’apporter un commencement de preuve du risque allégué, la cour administrative d’appel s’était fondée sur la circonstance qu’il n’était justifié d’aucune saisine de la commission du secret de la défense nationale en application de l’article L. 2312-4 du code de la défense. Or, dans chacune des deux affaires, la ministre faisait valoir le contenu d’une note classifiée au niveau confidentiel défense.
Le Conseil d’État juge qu’« en statuant ainsi, alors qu’en tant que juridiction saisie du litige, il lui appartenait, si elle estimait ne pas disposer d’éléments suffisamment circonstanciés, de demander, ainsi que le prévoient les dispositions de L. 2312-4 du code de la défense, la déclassification de cette note (…) à l’autorité administrative en charge de la classification à laquelle il revenait ensuite de saisir pour avis la commission du secret de la défense nationale, elle a entaché son arrêt d’erreur de droit ».
Concluant que la ministre de la transition énergétique est fondée à demander l’annulation des arrêts attaqués, le Conseil d’État a, en conséquence, annulé ces arrêts et renvoyé les affaires à la cour administrative d’appel de Lyon.
***
Urbanisme
CE, 30 avril 2024, M. B…, n° 461958, aux Tables
Urbanisme - Permis de construire - Composition du dossier
Pièces manquantes et délai d’instruction : du nouveau sur l’instruction des demandes de permis de construire
Le Conseil d’État complète sa jurisprudence relative aux demandes de pièces complémentaires par les services instructeurs des demandes d’autorisation d’urbanisme.
Il rappelle qu’il résulte des articles L. 423-1, L. 424-2 et R. 423-19 et suivants du code de l’urbanisme que, lorsqu’un dossier de demande de permis de construire est incomplet, l’administration doit inviter le demandeur, dans un délai d’un mois à compter de son dépôt, à compléter sa demande en lui indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. Si le demandeur produit, dans le délai de trois mois, l’ensemble des pièces manquantes, le délai d’instruction commence à courir à la date à laquelle l’administration reçoit ces pièces et, si aucune décision n’est notifiée à l’issue du délai d’instruction, un permis de construire est alors, en principe, tacitement accordé. À l’inverse, si le demandeur ne fait pas parvenir l’ensemble des pièces manquantes dans le délai de trois mois, une décision tacite de rejet naît à l’expiration de ce délai.
Le Conseil d’État rappelle également que le code de l’urbanisme prévoit, par ses articles R. 423-38 et suivants, que la demande de pièces manquantes doit intervenir dans le délai d’un mois à compter du dépôt de la demande d’autorisation pour que le point de départ du délai d’instruction soit reporté et qu’une demande de pièces manquantes notifiée après la fin du délai d’un mois ou portant sur des pièces qui ne sont pas prévues par le code n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction.
Il juge que ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque le demandeur ne produit pas la pièce demandée, à ce que l’autorité compétente lui réclame à nouveau cette pièce, même passé le délai d’un mois depuis le dépôt de la demande de permis de construire. Cette demande est toutefois sans incidence sur le cours du délai d’instruction et la naissance d’une décision tacite de rejet si le pétitionnaire n’a pas régularisé son dossier au terme du délai de trois mois.
*
CE, avis, 30 avril 2024, Mme D…, n° 490405, au recueil
Urbanisme - Règles générales d’utilisation du sol - Application de la loi sur le littoral
Sur la notion d’agrandissement des constructions existantes en zone littorale
Le Conseil d’État explicite les limites du tempérament introduit par sa décision de 2020 selon laquelle, dans les zones d’urbanisation diffuse des communes du littoral, le « simple agrandissement » d’une construction déjà existante ne méconnaît pas la règle d’urbanisation en continuité définie à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CE, 3 avril 2020, n°
419139, aux tables).
Le tribunal administratif de Bastia, par un jugement avant dire droit, a transmis au Conseil d’État une question de droit visant à savoir si, dans les communes littorales, le projet d’agrandissement d’une construction existante doit être apprécié au regard de la construction existante résultant de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale ou de la dernière autorisation accordée au pétitionnaire, en application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
En premier lieu, le Conseil d’État précise le sens à donner à la notion de simple agrandissement susceptible d’être autorisé sans méconnaître les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Il juge que « le simple agrandissement d’une construction existante, c’est-à-dire une extension présentant un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée, ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation prohibée par ces dispositions. ».
En deuxième lieu, le Conseil d’État précise que « le caractère de l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction initiale, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement » et que « s’agissant toutefois des constructions antérieures à la loi du 3 janvier 1986, le caractère de l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction à la date d’entrée en vigueur de cette loi. ».
En dernier lieu, le Conseil d’État précise que la nouvelle rédaction de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme issue de la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui supprime la possibilité d’extension de l’urbanisme en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, est sans incidence sur cette appréciation de la notion d’agrandissement.
*